Jules Gheude, essayiste politique

Paul Magnette Premier ministre en 2024? «Si on me le demande, j'assumerai  mes responsabilités…
Paul Magnette, le président du PS

Paul Magnette, le président du PS, a accepté que son parti entre dans la coalition Vivaldi au départ d’un accord qui stipule notamment : 

Au cours de la prochaine législature, le gouvernement entend apporter une contribution importante à la modernisation, à l’augmentation de l’efficacité et à l’approfondissement des structures de l’Etat. Le gouvernement lancera un large débat démocratique sur ce sujet, impliquant notamment les citoyens, la société civile et les milieux académiques, ainsi qu’un dialogue entre les représentants politiques. L’objectif est une nouvelle structure de l’Etat à partir de 2024 avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences dans le respect des principes de subsidiarité et de solidarité interpersonnelle. Cela devrait conduire à un renforcement des entités fédérées dans leur autonomie et du niveau fédéral dans son pouvoir.

Deux ministres, Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR), sont chargés de mener cette mission à bon port.

Or, voilà que Paul Magnette change son fusil d’épaule. Dans une interview accordée au « Soir, le 18 juin, il déclare, en effet :

Une septième réforme de l’Etat en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitable. Parce que la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement, contrairement au passé.

Le président du PS, qui avoue n’avoir jamais été amoureux de l’institutionnel, ajoute néanmoins : Pour moi, un jour, un fédéralisme à quatre Régions, je pense que ce serait plus simple que le système existant. Mais j’ajoute tout de suite que quand je dis « quatre Régions », cela ne veut pas dire la disparition des solidarités Wallonie-Bruxelles. Dans mon esprit, même s’il y a quatre Régions, la Wallonie et Bruxelles reforment ensemble une Fédération et gèrent en commun l’enseignement, l’enseignement supérieur, la culture, l’audiovisuel, la recherche…

On imagine sans peine la surprise du premier parti de Flandre, la N-VA, dont le président Bart De Wever pensait avoir trouvé en Paul Magnette le partenaire idéal pour mettre œuvre de nouvelles structures institutionnelles en 2024.

D’autant que l’attitude du président du PS s’apparente à une véritable provocation à l’égard du Nord du pays :

Ah, la N-VA va tomber de sa chaise, tant pis, j’espère qu’ils ne sont pas assis trop haut… Que voulez-vous que je vous dise ? Le CD&V pareil. Quant aux provocations de l’extrême droite, ils disent qu’ils feront une déclaration unilatérale d’indépendance, mais qu’ils le fassent ! Que M. Van Grieken le fasse, il sera juste ridicule. Il ne sera même pas suivi par les autres Flamands. Et à supposer qu’ils le suivent, la Wallonie et Bruxelles peuvent parfaitement être viables ensemble. Les Flamands doivent comprendre que si un jour ils font une déclaration d’indépendance, ce sera sans Bruxelles. Ça, définitivement, ce sera sans Bruxelles. Ils peuvent faire une Flandre indépendante avec un gros trou au milieu s’ils le veulent, et se priver de la capitale de l’Europe. Les provocations de l’extrême droite me laissent de marbre.

Paul Magnette n’est pas à une incohérence près. N’est-ce pas lui, en effet, qui, en 2016, affirmait que sans enseignement et sans culture, le Wallonie est comme eunuque ?

Ainsi, selon lui, une septième réforme de l’Etat en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitable. Parce que la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement, contrairement au passé.

Sauf que l’on ne compte plus les plans de redressement wallons qui ont été lancés depuis vingt ans, sans que la Région parvienne à décoller… Une évolution qui a amené la Flandre a remettre en cause le principe de solidarité financière.

Hormis le Brabant wallon, qui bénéficie de l’hinterland bruxellois, les provinces wallonnes stagnent pour ce qui est du PIB. Pour une moyenne européenne se situant à 100, la Hainaut est à 76, dix points en dessous du Nord-Pas-de-Calais, le pays dit des corons…

Alors que feu Xavier Mabille, président du CRISP, déclarait en 2007, en parlant de l’hypothèse d’une disparition de la Belgique, hypothèse dont je dis depuis longtemps qu’il ne faut en aucun cas l’exclure, Paul Magnette prend cela à la rigolade.

On voit mal comment une avancée institutionnelle pourrait intervenir au lendemain des élections législatives de 2024 – encore faut-il que la Vivaldi puisse atteindre l’échéance ! -, tant les position divergent au Sud et au Nord (fédéralisme vs confédéralisme). 

Une chose est sûre : la Flandre n’est plus une entité fédérée, mais une véritable Nation.

Les derniers sondages indiquent que les deux partis indépendantistes flamands, la N-VA et le Vlaams Belang, pourraient disposer d’une majorité absolue au Parlement flamand, ce qui permettrait à leurs représentants de proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre. Paul Magnette rejoint ici ceux qui prétendent que seule une petite partie des électeurs de ces deux formations souhaitent vraiment un tel scénario. Mais les autres ne sont-ils pas censés voter en connaissance de cause ?  Ils ne peuvent ignorer que les partis de Bart De Wever et de Tom Van Grieken prônent l’avènement d’une République flamande. Ils doivent donc assumer l’entière responsabilité de leur vote !

Rien à voir ici avec le scénario catalan. Le pouvoir central à Bruxelles serait d’une telle faiblesse qu’il ne pourrait rien empêcher. Quant à l’Union européenne, il ne pourrait qu’acter le divorce belge.

Pas de panique !, ajoute Paul Magnette, la Wallonie et Bruxelles peuvent parfaitement être viables ensemble.

Et revoilà le WalloBrux !

Il faut être deux pour danser le tango. Or, une étude réalisée en 2013 par Rudi Janssens, chercheur à la VUB, indique que 73,9% des Bruxellois souhaitent l’autonomie en cas de disparition de la Belgique. Seuls 4,6% optent pour une association avec la Wallonie, et 4% avec la Flandre. Cela montre que les Bruxellois sont profondément attachés à leur spécificité.

Il y a aussi le fait que l’on est confronté à des espaces géographiques de taille et de morphologie totalement dissemblables. D’un côté, une Région-Capitale de 161,4 km2, de l’autre, une Région wallonne de 16.844 km2, trois fois plus peuplée. 

Par ailleurs, Wallons et Bruxellois constituent des populations sociologiquement distantes, avec des sensibilités souvent différentes. 

Enfin, élément majeur, l’absence d’unité territoriale, Bruxelles étant enclavée en territoire flamand, qui serait alors un territoire étranger. De quoi rallumer le feu en ex-Yougoslavie ! Car si Wallons et Bruxellois peuvent composer un Etat de la sorte, on ne voir pas pourquoi la Serbie ne ferait pas de même avec la Republika Srpska de Bosnie.

Comment organiser les pouvoirs et fixer le poids respectif de Bruxelles et de la Wallonie au sein de ce nouvel Etat, qui ne constituerait en aucun cas une nation ? Opterait-on pour le principe de l’égalité (Bruxelles = Wallonie) ou celui de la proportionnalité (Wallonie > Bruxelles) ? Déjà, au sein de la Belgique actuelle, Wallons et Bruxellois sont dans l’incapacité de se constituer en entité unifiée.

On voit mal aussi comment la Communauté internationale pourrait reconnaître une personnalité juridique identique à cette nouvelle Belgique qui, privée de la Flandre, offrirait un visage substantiellement différent de celui de l’Etat prédécesseur.

En droit international, l’Etat successeur est comme un nouveau-né, vierge de tout traité international. C’est le principe de la « tabula rasa ». Une adhésion de plein droit de la « Belgique résiduelle » aux traités qui liaient l’ancienne Belgique pourrait donc être juridiquement contestée. On a vu, par exemple, que la « petite Yougoslavie » ou « Yougoslavie continuée », composée de la Serbie et du Monténégro, a dû demander sa réadhésion à l’ONU dès septembre 1992.

La dernière interview de Paul Magnette se caractérise par une totale inconséquence.