Carte blanche de Jules Gheude, avec version néerlandaise sur le site de Doorbraak : https://doorbraak.be/franstalige-leiders-nog-steeds-niet-van-goede-wil/

L’émission de RTL/TVI « C’est pas tous les jours dimanche » du 5 février est revenue sur les déclarations du président de la N-VA selon lesquelles « toutes les réformes majeures ont été introduites de manière extralégale puis légalisées ». Pour Bart De Wever, il devrait donc en être ainsi avec le confédéralisme visant à dépiauter au maximum l’échelon central belge au profit des Etats flamand et wallon, avec cogestion de Bruxelles par ces derniers pour ce qui concerne les matières dites personnalisables.
Il convient de rappeler ici que la N-VA n’est pas à l’origine de cette idée confédéraliste, laquelle fut lancée, au début des années 90, par Luc Van den Brande, alors ministre-président flamand, et avalisée par le Parlement flamand en 1999 (les fameuses 5 résolutions). Il y eut ensuite l’épisode du cartel CVP/N-VA porté sur les fonts baptismaux par l’ex- Premier ministre CVP Yves Leterme.
Si les deux formations ont depuis repris chacune leurs billes, il n’en demeure pas moins qu’elles continuent à partager la conviction que « ce que la Flandre fait elle-même, elle le fait mieux ». Pas question donc pour le CD&V, comme l’a rappelé son ancien président Joachim Coens, de « remettre la pâte dans le tube de dentifrice ». Et son successeur, Sammy Mahdi, de préciser aujourd’hui : « Si les francophones ne veulent pas réformer, ils deviendront les fossoyeurs de la Belgique ».
Car, alors que l’accord de la coalition Vivaldi stipule clairement qu’une 7ème réforme de l’Etat devra être engagée au cours de la prochaine législature afin de « conduire à un renforcement des entités fédérées dans leur autonomie », le président du PS, Paul Magnette, estime à présent qu’une telle réforme « n’est ni nécessaire ni souhaitable. Parce que la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement, contrairement au passé ». Une déclaration aussitôt applaudie par Georges-Louis Bouchez, le président du MR…
Les responsables francophones entendent donc nous refaire le coup des « demandeurs de rien » qui les a toutefois amenés, lors des épisodes précédents, à finalement accepter des réformes jugées « onbespreekbaar/onaanvaardbaar ». Comme l’a écrit Paul-Henry Gendebien dans son essai « Belgique, le dernier quart d’heure ? » (Quartier Libre, 2006) : « Les négociateurs francophones avaient marchandé des principes contre de l’argent. On n’entendit plus les matamores se déclarer ‘demandeurs de rien’. (…) La barricade francophone était en papier mâché. »
Les responsables francophones plieront-ils une fois de plus ? Paul Magnette a beau dire que « la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement », il n’en reste pas moins que la région se trouve confrontée à une situation budgétaire insoutenable, qui s’aggravera encore avec la disparition programmée des transferts financiers en provenance de Flandre.
En fait, la Wallonie se trouve au bord de la faillite. Un podcaste « Déclic – Le Tournant » de la RTBF s’est penché, le 26 janvier dernier, sur les finances publiques belges en compagnie de Xavier Debrue, chef du service des études de la Banque Nationale de Belgique. Et le constat est sans appel : « Si l’on compare, pour chacune des entités, la dette aux recettes, les ratios sont bien différents. En Flandre, la dette représente 58% des recettes, en Wallonie la dette équivaut à 257% des recettes. Soit pratiquement 5 fois plus. »
Il y a un autre paramètre que les responsables francophones se refusent de prendre en considération : la Flandre a cessé d’être une entité fédérée, elle est devenue une véritable nation dont la vocation naturelle est de se doter d’une souveraineté étatique.
Sur le plateau de RTL, Sophie Rohonyi, députée fédérale DéFi, a souligné que ceux qui votaient pour la N-VA n’étaient pas tous des séparatistes. Sauf que les personnes qu’ils élisent auront à cœur d’appliquer les statuts du parti, lesquels parlent clairement d’une « Flandre indépendante, Etat-membre de l’Union européenne ».
Les élus disposent de la légitimité démocratique. Si, au lendemain des élections de 2024, la Belgique se retrouve bloquée faute de pouvoir disposer d’un nouveau gouvernement et si la mouvance séparatiste parvient à dégager une majorité absolue au Parlement flamand, rien ne pourra l’empêcher de proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre.
Rappelons que le « divorce de velours » tchécoslovaque est intervenu au départ d’une déclaration de souveraineté publiée par le Conseil national slovaque le 17 juillet 1992, et alors que les sondages d’opinion de 1990 et 1991 révélaient une nette préférence des populations tchèque et slovaque pour le statu quo. 30 ans plus tard, ni la République tchèque ni la Slovaquie ne souhaiteraient revenir à la situation antérieure. Etats-membres de l’Union européenne, leur ratio dette/PIB est tout à fait acceptable, de l’ordre de celui de la Flandre.