« Le Soir », David Coppi, 24 juillet 2023

Le secrétaire d’Etat MR a vu son projet de loi sur la protection des données personnelles recalé pour la cinquième fois au Parlement. Il soutient que la N-VA a un agenda caché, veut imposer l’autorité d’une instance de contrôle flamando-flamande. Il implore les partis francophones de « ne pas tomber dans le piège »… 

Une partie de « ping-pong politique » ? Non, plus grave : un tour de « carrousel communautaire »… C’est la thèse du secrétaire d’Etat fédéral à la protection de la vie privée, Mathieu Michel (MR) à propos du sort fait à son projet de loi visant à réformer notre Autorité de protection des données (APD), laquelle (doit) veille(r), comme son nom l’indique, à protéger les données personnelles de tous ordres (on en a parlé notamment durant la pandémie, rapport à la centralisation des informations dans le domaine social et de la santé), leur stockage, l’usage qui en est fait.

Quel est le problème ? Pour son cinquième passage en plénière à la Chambre jeudi dernier, le texte a été barré à nouveau, en fait renvoyé au conseil d’Etat (juridiction administrative qui a une mission consultative) après que plus de 50 députés (c’est la règle) en eurent fait la demande.

Les partis d’opposition, N-VA, Belang, Les Engagés et le PTB, renvoient la balle systématiquement dans le camp du gouvernement et de son secrétaire d’Etat compétent. Qui met en garde aujourd’hui, « plus que jamais », nous dit-il, contre ce tour de « carrousel communautaire ».

Flagrant délit

Car, selon lui, le travail d’obstruction auquel se livre la N-VA depuis le début (novembre 2022, lorsque le projet de loi a vu le jour), en plus d’embêter le gouvernement, ce qui est de bonne guerre, a surtout pour objectif de communautariser la protection des données dans notre pays… Et, concrètement, faire en sorte qu’à l’avenir, la « Vlaamse Toezichtcommissie », instaurée en son temps par le parlement flamand, fasse autorité à la place de l’Autorité de protection des données elle-même, fédérale pour sa part.

Mathieu Michel parle de « chantage communautaire », d’un « piège communautaire » dans lequel tombent des formations comme Les Engagés et le PTB lorsqu’à leur tour, critiques par rapport au projet de loi, elles s’associent à la N-VA et au Vlaams Belang pour renvoyer le texte devant la juridiction administrative. Message : ceux-ci entravent le projet de loi fédéral pour imposer à terme leur projet flamando-flamand, « ne nous laissons pas faire ». Comme un appel désespérément à la solidarité francophone.

Mathieu Michel se manifeste d’autant plus aujourd’hui qu’il dit « avoir la preuve » cette fois que les partis flamands obstructionnistes ont un agenda caché. En séance à la Chambre jeudi dernier, en effet, Christoph D’Haese, au nom de la N-VA, a clôturé son intervention en expliquant : c’est à la condition d’un « accord avec la Flandre », via un accord de coopération fédéral-entités fédérées, que son groupe parlementaire acceptera – ce sont ses termes – d’« avancer dans cette législation », donc de ne plus renvoyer au conseil d’Etat le projet de loi APD. Pour le libéral francophone, l’élu N-VA est surpris là en flagrant délit de communautarisation du dossier, « les masques tombent ».

Quant aux députés des Engagés et du PTB (ceux-ci réclament un renvoi en commission pour réexaminer le texte, par exemple, soutient Nabil Boukili, pour ce qui concerne les moyens humains dont disposerait l’instance), Mathieu Michel implore : « Comment peuvent-ils encore suivre aveuglément ? » De la part du bleu MR, c’est, dit-il, un « appel à voir les choses en face ». Etant entendu que dans un monde idéal, le niveau européen est à son sens (le plus) pertinent pour veiller à protéger les données personnelles des citoyens, loin des « territoires confettis », insiste-t-il, lisez nos Régions et Communautés, a fortiori la Flandre seule dans son coin, « comme le veulent la N-VA et le Vlaams Belang ».