La ministre nationaliste flamande exige une réforme de l’Etat, argument alarmiste à la clé : un soulèvement à la française de la population flamande qu’elle dit « excédée ». Sur le dossier du plan national climat, elle campe plus que jamais sur ses positions. Rien ne laisse donc présager d’une rapide levée du blocage avec les autres Régions et le fédéral. 

« Le Soir », Bernard Demonty et Michel De Muelenaere, 8 juillet 2023

Ce 11 juillet, les Flamands fêtent leur communauté. C’est traditionnellement l’occasion, pour les hommes et femmes politiques du nord de rappeler les revendications flamandes. Après quelques années de répit communautaire, Zuhal Demir, l’une des valeurs sûres de la N-VA et ministre de l’Environnement et de la Justice au gouvernement flamand, ne baisse pas la garde. Bien au contraire.

Vous êtes ministre du gouvernement flamand, nationaliste. Que représente le 11 juillet, jour de la fête flamande, pour vous ?

Pour moi, c’est d’abord la fête des presque 7 millions de Flamands. Le 11 juillet, les Flamands sont en famille, entre amis, on boit une bière, on fait un barbecue, on sort, on va se promener dans notre belle nature. Et se poser un peu aussi, parce qu’aussi forte que soit notre communauté, les Flamands sont très entreprenants. C’est une communauté qui veut aller de l’avant, qui est fière, qui a créé une nation, et c’est une Limbourgeoise d’origine étrangère qui vous le dit. Mais on se sent freinés par le carcan de la Belgique, et là aussi, nous voulons du changement, dans la structure de l’Etat. Le 11 juillet n’est pas pour moi uniquement politique, mais notre communauté veut aussi aller de l’avant sur ce plan.

Précisez.

Si la structure de l’Etat ne change pas, je pense que le Flamand ne va plus l’accepter. Je sens monter la colère des gens. Mon meilleur baromètre, c’est aux portes de l’école que ma fille fréquente, il y a des parents qui déposent leur enfant, qui doivent aller travailler tous les deux et qui n’acceptent plus le système politique. Ce système politique doit changer. Les Flamands qui travaillent ne vont plus l’accepter, cet immobilisme. Cette dette fédérale la plus élevée, ces dettes bruxelloise et wallonne à des niveaux astronomiques, avec des impôts qui atteignent pourtant des sommets. Ce n’est pas possible de naître en Flandre ou en Wallonie avec une dette de 50.000 euros. Il faut oser dire qu’on va changer le système. Dans le système actuel, la Belgique n’est plus une démocratie en soi. On dépense de l’argent, personne n’est responsabilisé et c’est le Flamand qui paye.

On parle vraiment de ça devant les écoles ? Ce n’est pas plutôt à la N-VA qu’on en parle ?

Non, les familles flamandes dont les deux parents travaillent, et c’est la majorité, qui doivent payer impôts et factures en ont marre. Ils se sentent pressés comme des citrons. Et ils sont en colère. Il faut à présent ramener de la démocratie dans les Communautés. Je l’espère pour tous les démocrates. Parce que le système politique belge n’est pas démocratique.

Pardon ?

Non, demandez-le aux Flamands. Qui sont ces gens au fédéral ? J’ai voté pour ces gens au fédéral, moi ? non ! Et la fois d’avant, il n’y avait pas de majorité wallonne. Ce n’est pas démocratique, désolé.

Mais il y a une démocratie belge, une majorité au Parlement.

Oui, mais ça, ce n’est pas la démocratie. Je suis une jeune politique, c’est un système construit il y a des années, basé sur des considérations politiques dépassées, et ça doit changer. Je n’en veux plus. Je veux pouvoir dire qu’on va réformer les pensions, construire des centrales nucléaires, limiter les allocations de chômage dans le temps, assainir la Sécurité sociale, ce n’est pas possible au sein du carcan belge. On sait depuis 10 ou 15 ans que tout cela doit advenir, et ça ne se produit pas parce que le fédéral est une constellation où il faut s’asseoir en permanence avec les partenaires d’une autre démocratie, les Wallons qui ont d’autres conceptions.

Mais c’est ça la démocratie.

Mais alors pas sur le compte des Flamands. Si l’on ne veut pas qu’une révolution éclate, et je pense vraiment ce que je dis, les politiciens doivent avoir l’intelligence de s’asseoir à la table en 2024 et prendre les choses en main.

Une révolution ? Dans quel sens ? Un vote extrême ?

Aussi, mais je crains vraiment que les gens descendent dans la rue, contestent le système, la France est arrivée à ce stade.

En France et ailleurs, les gens se soulèvent, expriment cette colère que vous évoquez, mais il n’y a pas de problèmes communautaires. Vous pensez vraiment que la colère vient de là ?

Mais on ne doit pas l’alimenter. En Belgique, je crains que les gens s’opposent à la police, à la justice, aux politiques. Il faut une réforme de l’Etat profonde, sinon, on va porter ce problème encore des années et c’est malsain. Pour moi, les politiques francophones peuvent faire tout ce qu’ils veulent, mais à leurs frais. Désolée mais les Flamands ne payeront plus. Ils en ont marre. On veut bien être solidaire avec la Wallonie, mais pour nous, c’est clair, les compétences doivent être transférées aux Régions, c’est-à-dire là où se trouve la vraie démocratie et on regardera ce qu’on veut encore faire ensemble. C’est le confédéralisme. L’avenir des Wallons s’améliorera grâce à cette réforme.

Vous feriez alliance avec le Vlaams Belang pour atteindre votre objectif ?

Il faut d’abord voir ce que l’électeur va décider. J’en ai un peu marre que la N-VA doive tout le temps répondre à cette question. C’est aussi le cas dans la presse flamande. Mais, aux socialistes, on ne demande jamais s’ils vont s’allier avec le PTB.

Nous le leur demandons régulièrement, ils disent non.

Notre réponse est aussi très claire.

Et c’est oui ou non ?

D’abord les programmes sont très différents, notamment sur le volet socio-économique. Mais aussi du point de vue humain. Nous sommes pour un nationalisme flamand inclusif. Ensuite, il y a aussi dans ce parti des « Poutine lovers », et des gens comme Dries Van Langenhove dont on se demande comment on pourra jamais gouverner avec eux. Ce ne sera pas possible, tout comme ce ne le sera pas avec le PTB. Mais si le Vlaams Belang est premier, ce sera un gros cadeau pour la Vivaldi (en raison du cordon sanitaire, par lequel les autres partis s’interdisent de gouvernement avec l’extrême droite, NDLR). Je vois trois options. Un : la Vivaldi continue comme avant avec vingt ministres parce que le Belang est le plus grand parti. Deux : elle continue temporairement et on négocie le confédéralisme en parallèle. Et trois, on fait des mini-cabinets au fédéral gérés par les Régions, pour gérer le budget et quelques priorités pour la survie de notre économie. Et on négocie le confédéralisme en parallèle. C’est l’option de mon président de parti, qui a ma préférence.

C’est le premier pas vers l’indépendance de la Flandre, ce confédéralisme.

Il n’est un secret pour personne que l’article premier de nos statuts, c’est l’indépendance de la Flandre. Mais nous avons conscience qu’on ne l’obtiendra pas toute de suite. Le confédéralisme est un premier pas, mais il est urgent