Jules Gheude, essayiste politique

Jean-Marc Nollet, le co-président d’Ecolo, plaide pour une reprise des négociations sur la réforme fiscale, afin d’en concrétiser au moins une partie.
Mais Vincent Van Peteghem, le ministre des Finances » (CD&V) se montre lucide : « A neuf mois des élections, je ne pense pas que cela soit possible. »
Si le ministre peut se targuer d’avoir réussi son opération du bon d’Etat à un an, qui aura permis de récolter plus de 20 milliards d’euros, il ne peut toutefois que constater la descente aux enfers de son parti, crédité aujourd’hui de 10,7% d’intentions de vote.
D’aucuns avaient cependant bien prévenu en 2019 : si le CD&V lâche la N-VA, il va se suicider politiquement.
Avec 8,3%, le parti du Premier ministre, lui, est carrément dans les choux.
Pour le fin stratège qu’est Bart De Wever, le leader de la N-VA, le moment semble idéal pour lancer un ballon d’essai en vue de constituer un grand parti de droite en Flandre, qui serait susceptible de faire barrage au Vlaams Belang et d’empêcher la constitution d’une Vivaldi bis.
On se souvient de l’implosion de la Volksunie en 2001, qui avait engendré une recomposition du paysage politique flamand.
A part quelques désistements toujours possibles, on voit cependant mal le CD&V et l’Open VLD accepter de se saborder. Il n’en demeure pas moins que la situation du nouveau président de l’Open VLD, Tom Ongena, et de son homologue du CD&V, Sammy Mahdi, est extrêmement délicate, pour ne pas dire inconfortable.
Dans ma récente « Lettre ouverte à Mark Eyskens », j’ai eu l’occasion de rappeler à quel point le nationalisme était ancré dans l’ADN de la démocratie chrétienne flamande.
S’il veut que son parti retrouve des couleurs, Sammy Mahdi a tout intérêt à soutenir le projet confédéraliste que défend énergiquement Bart De Wever, d’autant que l’idée confédéraliste fut lancée, au début des années 90, par un démocrate-chrétien, en l’occurrence Luc Van den Brande, alors ministre-président flamand.
Quant à Tom Ongena, il devrait se souvenir du cahier de revendications institutionnelles que son coreligionnaire Patrick Dewael, alors ministre-président flamand, avait présenté, le 7 janvier 2003, au Parlement flamand et qui visait à scinder quasi tout l’éventail des compétences restées fédérales.
Ne sont plébiscités en Flandre que les partis qui privilégient avant tout les intérêts fondamentaux de la Région !
Intéressant débat aussi, ce 6 septembre, sur RTL-TVI, avec Bart De Wever. Après avoir parlé de son nouveau livre « Woke », le président de la N-VA a pu s’expliquer quant à son projet confédéraliste : « Je ne pense pas que le confédéralisme va être adopté par les francophones grâce à l’enthousiasme. Ce sera plutôt grâce à l’impossibilité de continuer le statu quo. A un moment donné, je pense que l’impossibilité de continuer au fédéral sera là. L’année prochaine, si les forces centrifuges, qui existent déjà dans ce pays, et qui se renforcent, continuent, à un moment donné, l’addition des deux va être impossible. Je pense que Paul Magnette est très conscient du fait que ce jour arrive. Je comprends très bien qu’il va éviter jusqu’au dernier moment de le dire ouvertement à l’opinion publique francophone. »
Bart De Wever a rappelé les nombreuses discussions, « très ouvertes », qu’il avait eues avec son homologue socialiste en 2020. Et le journaliste Christophe Deborsu de livrer l’information selon laquelle Paul Magnette aurait même évoqué la fin de la Belgique en demandant à Bart De Wever de laisser les francophones continuer avec le nom de Belgique.
Paul Magnette réfléchit donc bien à cette option du « WalloBrux », qui représente cependant une belle chimère.
Il faut, en effet, être deux pour danser le tango. Or, diverses enquêtes ont révélé qu’une majorité des Bruxellois souhaiteraient l’autonomie en cas de disparition de la Belgique (de 68 à 73,9%).
La dette publique des deux Régions est élevée : elle représente 163% du PIB bruxellois et 257% du PIB wallon. On voit donc à quelles perspectives budgétaires sombres ce WalloBrux serait condamné.
Mais il y a aussi le fait que l’on est confronté à des espaces géographiques de taille et de morphologie totalement dissemblables. D’un côté, une Région-capitale de 161,4 km2, de l’autre, une Région wallonne de 16.844 km2, trois fois plus peuplée. Par ailleurs, Wallons et Bruxellois constituent des populations sociologiquement distantes, avec des sensibilités souvent différentes. Enfin, élément majeur, l’absence d’unité géographique, Bruxelles étant en territoire flamand, qui serait alors un territoire étranger ! De quoi rallumer le feu en ex-Yougoslavie. Car si Wallons et Bruxellois peuvent composer un Etat de la sorte, on ne voit pas pourquoi la Serbie ne ferait pas de même avec la Republika Srpska de Bosnie.
Comment, avec tous ces ingrédients, organiser les pouvoirs et fixer le poids respectif de Bruxelles et de la Wallonie au sein de ce nouvel Etat, qui ne constituerait en rien, comme l’a bien dit François Perin une nation (« On aurait une Belgique en réduction, tout aussi médiocre que l’autre, avec les Saxe-Cobourg en prime, dont la Flandre se serait débarrassée… »).
Opterait-on pour le principe de l’égalité (Bruxelles = Wallonie) ou celui de la proportionnalité (Wallonie > Bruxelles) ? Déjà, au sein de la Belgique actuelle, Wallons et Bruxellois sont dans l’incapacité de se constituer en entité unifiée. Les ultra-régionalistes wallons n’ont jamais porté la Communauté française dans leur cœur.
Enfin, comment la communauté internationale pourrait-elle reconnaître une personnalité juridique identique à cette nouvelle Belgique qui, privée de la Flandre, offrirait un visage substantiellement différent de celui de l’Etat précédent ?
Une adhésion de plein droit de cette Belgique résiduelle aux traités qui liaient l’ancienne Belgique pourrait donc être juridiquement contestée.
L’option de Paul Magnette apparaît donc bien comme profondément irréaliste.