Edito d’Eric Deffet, « Le Soir », 27 septembre 2023

Pour tout vous dire, on ne comprend toujours pas pourquoi le ministre-président wallon Elio Di Rupo s’échine à répéter, d’année en année, que sa Région est sur la voie du retour à l’équilibre. Ces jours-ci, il martèle encore que l’équilibre sera atteint au budget 2024 qui se négocie entre PS, MR et Ecolo.
Les trois partenaires s’engageaient à cette trajectoire salvatrice dans la déclaration de politique régionale de 2019. Un engagement tenu, c’est toujours bon à prendre à quelques mois des élections…
Mais l’équilibre annoncé est de la poudre aux yeux, une vue de l’esprit : il porte exclusivement sur les politiques courantes, hors investissements. Du bluff.
En 2023, le solde brut à financer était de l’ordre de 2,9 milliards. Pour 2024, on devrait évoluer entre 2,5 et 3 milliards, selon les souhaits des experts et l’espoir d’Adrien Dolimont, le ministre des Finances.
De quoi parle-t-on ? De l’écart entre les dépenses et les recettes, donc d’un déficit budgétaire, ne tournons pas autour du pot. Et des moyens qu’il faut aller chercher sur les marchés pour financer les politiques, donc d’une dette qui grossit toujours, même si les freins ont été activés pour en garantir la soutenabilité.
La Wallonie vit-elle au-dessus de ses moyens ? Le gouvernement s’interdit toute nouvelle taxe, côté recettes. Dans la colonne des dépenses, il s’en trouvera toujours pour trouver que les gaspillages persistent. Mais un constat supplante tous les autres : rien ne s’est passé comme prévu depuis le début de la législature. La fatalité s’en est mêlée.
Si les finances réelles de la Wallonie restent dans le rouge, c’est en raison d’une accumulation de malheurs qui ont imposé des réactions indispensables mais très coûteuses : crise sanitaire, inondations de 2021, guerre en Ukraine, crise énergétique…
Tout cela aurait pu contraindre l’exécutif régional à revoir ses ambitions à la baisse. C’est tout le contraire qui s’est produit : nécessaire, le plan de relance doit placer la Wallonie sur une orbite positive, mais il impose lui aussi de délier les cordons de la bourse.
En s’accrochant à l’idée de « l’équilibre en 2024 pour préserver les générations futures », Elio Di Rupo semble s’excuser d’avoir massivement aidé les victimes des crues et d’avoir multiplié les soutiens aux entreprises ou aux citoyens. Le gouvernement fait profil bas alors que son plan de relance affiche de grandes ambitions sociales, économiques et environnementales.
S’endetter n’est pas un drame si c’est pour la bonne cause, et sans excès. Le solde brut à financer n’est pas une injure s’il permet de jeter les bases d’un avenir meilleur, en surmontant les crises. La Wallonie est en déficit ? Le gouvernement devrait assumer cette forme de courage et ne pas s’accrocher à un équilibre de pacotille qui ne trompe personne.