Max Helleff, sur le site de « Virgule, » – 29 septembre 2023
Le ministre-président de la Communauté française déballe les comptes financiers de l’institution un jour de fête.

Pierre-Yves Jeholet a choisi le jour de fête de la Communauté française pour évoquer la situation financière intenable de son institution.
La fête de la Communauté française de Belgique s’est déroulée au-dessus du trou abyssal de ses finances. La Communauté française, que l’on appelle aussi Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), veille à la culture, à l’enseignement et au sport des francophones de Belgique. Soit quelque 33,3% de la population du pays.
Curieusement, le ministre-président Pierre-Yves Jeholet a choisi le mercredi 27 septembre, jour de fête de la Communauté française, pour évoquer la situation financière intenable de son institution. On parle d’une dette de 15 milliards en 2024 (contre 11 milliards en 2022).
Le libéral juge le statu quo financier impossible, en citant une kyrielle de chiffres alarmants. Pour en sortir, il plaide en faveur de l’adoption de réformes censées améliorer la vie des Belges francophones, dans des domaines aussi divers que les médias publics, le sport ou la petite enfance.
Et il s’inquiète au passage des discours sur une nouvelle réforme de l’État, laquelle pourrait à nouveau doper l’autonomie flamande en échange de fonds qui remettraient les francophones momentanément à flot, selon un troc bien connu des négociateurs.
L’assaut de franchise du ministre-président Jeholet n’a rien d’étonnant. Il sera en effet tête de liste à la Chambre pour le Mouvement réformateur à Liège, le 9 juin prochain. Et l’état de faillite virtuelle de la Communauté française est un secret de Polichinelle…
Reste qu’une partie de l’opposition refuse de renouer avec l’austérité des années Michel. « Contrairement à ce qu’explique Pierre-Yves Jeholet, il y a de l’argent en Belgique. Le PTB soutient, comme une très large majorité de la population, une taxe des millionnaires qui devrait par exemple permettre d’augmenter le budget national de l’enseignement d’un milliard d’euros », a lancé au parlement de la FWB la communiste Alice Bernard.
En Wallonie, le bilan se veut plus nuancé alors que le gouvernement régional entame son conclave budgétaire pour l’année 2024. Le ministre-président wallon Elio Di Rupo (PS) manie la dialectique lorsqu’il estime que «la trajectoire budgétaire de la législature conduira à l’équilibre en 2024, tout en préservant une importante capacité d’investissement en lien avec l’Union européenne ».
En réalité, ce satisfecit repose sur la réduction des dépenses courantes, excluant ainsi les dépenses exceptionnelles, ce qui soulève des préoccupations quant à la réalité de la situation financière de la Wallonie.
Le budget de 2023 présente un solde brut à financer de 2,975 milliards d’euros, malgré une réduction des dépenses courantes. La dette atteindrait les 40 milliards en 2024 (contre une dizaine de milliards pour la région bruxelloise, trois fois moins peuplée). La Wallonie joue, il est vrai, de malchance. Les derniers efforts pour relancer la région sur le plan économique ont été contrariés par la crise du covid-19, les inondations en vallées liégeoises, la guerre en Ukraine et les prix de l’énergie.
Pour maintenir l’endettement sous contrôle, le gouvernement prévoit de poursuivre les économies recommandées par les experts. Mais pas de nouvelles taxes. Il y en a assez, dixit Elio Di Rupo.
Ces jeux comptables énervent plus d’un observateur. Dans un commentaire, Le Soir écrit que « s’endetter n’est pas un drame si c’est pour la bonne cause, et sans excès. La Wallonie est en déficit ? Le gouvernement devrait assumer cette forme de courage et ne pas s’accrocher à un équilibre de pacotille qui ne trompe personne. » Il n’y a plus grand monde en effet pour croire sérieusement que les comptes de la région puissent un jour revenir à l’équilibre.