Jules Gheude

C’est « Le Soir » qui livre le scoop ce 28 septembre : au terme de discussions menées dans la discrétion, les présidents du PS, du MR et d’Ecolo seraient arrivés à un compromis concernant la refonte des institutions francophones. « Seraient », car certains points doivent encore être affinés avant qu’une résolution puisse être soumise aux parlementaires.
La nouvelle est importante, alors que la Communauté française se trouve dans le trente-sixième dessous au niveau budgétaire et que la Région wallonne va vers un déficit de 3 milliards d’euros.
Au grand dam des ultra-régionalistes qui voudraient la voir disparaître, la Communauté française se maintient avec quatre compétences essentielles : la culture, l’enseignement, l’audiovisuel et la recherche. Toutes les autres compétences sont transférées aux Régions wallonne et bruxelloise.
Afin de diminuer la facture, le nombre de ministres se verra réduit, certains fonctionnant avec une double casquette (mais un seul salaire) et le nombre de parlementaires passera de 94 à 60. L’alternance des réunions est également modifiée et il sera procédé à une mise en commun des services des divers parlements.
Si l’on peut se réjouir de ces modifications, il faut toutefois rester réaliste : leur incidence financière sera sans commune mesure avec le déficit de la Communauté française.
A propos de cette dernière, une question reste posée.
Aussi longtemps que la mise sur pied de la Région bruxelloise était contestée et freinée par la Flandre, l’existence de la Communauté française se justifiait pleinement, pour marquer la solidarité entre les Wallons et les francophones de Bruxelles.
La Région bruxelloise a fini par émerger en 1989, grâce au sacrifice de José Happart comme bourgmestre des Fourons. Depuis, l’identité bruxelloise n’a cessé de s’affirmer, au point que Bart De Wever lui-même déclarait en 2021, à propos des Flamands bruxellois : Ils se tournent souvent vers la Flandre pour récolter de l’argent. Mais dès qu’ils sont ici à Bruxelles, ils évitent scrupuleusement le mot Flandre. Ils sont des Bruxellois.
Cette affirmation d’une identité bruxelloise est apparue clairement lors des deux enquêtes qui ont été réalisées en 2013. A la question de savoir quelle voie ils choisiraient en cas de disparition de la Belgique, une majorité de Bruxellois (de 68 à 73,9%) se sont prononcés pour un statut autonome.
On peut dès lors s’interroger sur la nécessité, aujourd’hui, de maintenir ce lien organique entre la Wallonie et Bruxelles que se veut être la Communauté française. D’autant que, sans un refinancement substantiel, celle-ci est vouée à l’asphyxie mortelle.
Par ailleurs, cette refonte des institutions francophones ne permettra pas d’éviter l’affrontement communautaire Nord-Sud, au lendemain des élections du 8 juin 2024.
Si les responsables francophones campent sur leur refus de négocier le projet confédéraliste défendu par une majorité en Flandre, l’embarcation « Belgique » risque fort de se retrouver sans commandant au gouvernail…
Interviewé ce 28 septembre sur le plateau de la RTBF, Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Communauté française a déclaré : « Donner de l’autonomie à la Flandre en échange d’argent, ce serait une faute. »
Mais il va faire comment pour assurer la gestion de l’enseignement (ce « bon » pacte d’excellence…), qui représente 75% de l’ensemble ? Il évoque une réduction de la masse salariale, mesure qui ne manquerait pas de jeter les professeurs dans la rue. Reste le recours à un nouvel emprunt, qui ne ferait qu’accroître la dette abyssale.