Analyse de Mark Deweerdt dans « Doorbraak », 17 novembre 2023

Dans leur dernière note politique, les ministres Verlinden et Clarinval enterrent dans de belles phrases la préparation de la septième réforme de l’État.

« Le gouvernement souhaite préparer une réforme approfondie des structures de l’État au cours de la prochaine législature. Il organisera un large débat démocratique à ce sujet avec les citoyens, la société civile, le monde académique et les représentants politiques. L’objectif est une nouvelle structure étatique à partir de 2024, avec une répartition des compétences plus homogène et plus efficace. Cela devrait conduire à un renforcement de l’autonomie des entités fédérées et de l’efficacité du gouvernement fédéral.»  Voilà ce qu’affirmait la déclaration du gouvernement fédéral du 1er octobre 2020. Et maintenant ?

Ainsi parlait  non pas Zarathoustra, mais Alexander De Croo, Premier ministre, par la grâce des présidents des sept partis de la Vivaldi en général et de celui du Parti Socialiste (PS) en particulier.

C’est ce qu’il a lu à la Chambre des Représentants au début de son gouvernement. Il s’agit d’une synthèse extrêmement concise de la section « 5.1 Réformes institutionnelles » de l’accord de gouvernement du 30 septembre 2020,  dans laquelle les partis de la  Vivaldi expliquent sur trois pages et demie leurs intentions politiques à cet égard.


Note politique

 Les deux ministres chargés des « Réformes institutionnelles », Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR), ont soumis pour la troisième et dernière fois leur note politique à la Chambre. Conformément à l’article 111 du règlement de la Chambre, ils y fournissent « des explications sur la manière dont les ministres mettent en œuvre l’accord de gouvernement ». Leur explication peut être résumée comme suit : « Des réformes institutionnelles ? C’était juste pour rire. »

Certes, « des démarches ont été faites pour mettre en œuvre l’accord de gouvernement », comme l’annonce le duo Verlinden-Clarinval dans la première phrase de la note politique – il ne manquerait plus que ça. Mais quelles sont ces démarches et que proposent-elles ?

1.Une commission mixte de députés et de sénateurs a évalué les six réformes de l’État réalisées depuis 1970, du moins certaines de leurs parties : la répartition des compétences dans les domaines de la santé, de l’énergie, de l’environnement et du climat, et de la mobilité ; les formes de coopération ; le système bicaméral.

Les rapports détaillent, sur 800 pages bilingues, ce qu’ont dit universitaires, fonctionnaires et milieux de terrain lors des auditions, ainsi que les positions des différentes fractions. Le contenu des rapports va donc dans les quatre directions communautaires. Aucune conclusion n’a été tirée, aucune recommandation n’a été formulée.


Enquête citoyenne

2. Dans le cadre du « processus participatif via une plateforme en ligne », plus connu sous le nom d’enquête citoyenne « Un pays pour l’avenir » (coût de 2,1 millions d’euros), 10.512 Belges ont indiqué comment ils souhaitaient organiser leur pays. Selon le rapport final, les modèles envisagés couvrent « tout le spectre, depuis une Belgique unitaire jusqu’à la scission du pays ». Sans valeur, donc.

 3. Les services publics fédéraux et ceux des entités fédérées ont été interrogés sur « les goulots d’étranglement actuels » dans la répartition des compétences. Les « fiches » qu’ils ont produites ont été communiquées au Parlement. Elles ont également été discutées au sein de sept groupes de travail qui se sont également penchés sur la répartition des compétences dans une série de domaines politiques : soins de santé, marché du travail, mobilité et transports, climat et énergie, justice et maisons de justice, administrations locales, fiscalité et finances. Leurs rapports ont été transmis au Parlement et y prennent la poussière, avec les rapports d’évaluation, les résultats de l’enquête citoyenne et les fiches administratives.

Textes législatifs Toutes ces initiatives, selon Verlinden et Clarinval dans leur note politique, contribuent « à la poursuite et à l’exécution de l’accord gouvernement en ce qui concerne les travaux sur la répartition des compétences, les règles de financement et les institutions. » Mais on se tait dans toutes les langues sur l’accord crucial du 30 septembre 2020. Cet accord stipule : « Le gouvernement préparera, sous forme de textes législatifs, des propositions sur la répartition des compétences, les règles de financement et les institutions, etc., qui après accord au sein du gouvernement pourront être présentées pour avis au Conseil d’État. » Il n’y a pas eu ici le moindre commencement d’exécution. Verlinden et Clarinval restent tout à fait silencieux à ce sujet. Etant donné qu’ils ne disent rien, on peut en déduire qu’ils n’ont apparemment pas l’intention de faire quoi que ce soit. Que ces textes législatifs et l’avis du Conseil d’Etat, c’était juste pour rire… Ou pas ? De Croo Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a lui aussi soumis une note politique, comme le prescrit le règlement de la Chambre. Il n’y a manifestement pas eu de coordination avec les ministres chargés des Réformes institutionnelles, car, alors que ceux-ci se taisent, il annonce que, sur la base des travaux préparatoires pour une réforme institutionnelle et « en collaboration avec les ministres concernés », il examinera « de quelle manière des propositions peuvent être préparées sous forme de textes législsatifs, et si un accord à ce sujet peut être trouvé au sein du gouvernement ». L’espoir fait vivre, mais il faut être très naïf pour espérer, voire croire que la Vivaldi sera capable d’écrire des projets de loi réformant l’Etat dans les six mois qui restent jusqu’à la dissolution de la Chambre (8 mai). Ce qu’écrit De Croo à ce sujet dans sa note politique est tout simplement risible. Soins de santé L’accord de gouvernement du 30 septembre 2020 contient un deuxième accord concret. Nous citons à nouveau : « Le gouvernement souhaite, en tout cas, pendant cette législature, intégrer des textes législatifs concernant une répartition plus homogène des compétences dans le domaine des soins de santé. L’objectif est de fournir des soins au plus près du patient (entités fédérées) sans affecter le financement solidaire. »  Ce langage politique tordu est la formulation d’une des conditions que le CD&V a posées pour adhérer à la coalition Vivaldi : la scission quasi-totale des soins de santé. Verlinden, Clarinval et De Croo se réfugient également dans un silence total sur la suite à donner à cette intention politique. Il n’y a d’ailleurs rien à dire à ce sujet, si ce n’est que, malgré quelque insistance du CD&V, aucune suite n’a été donnée. Oui, c’est certain, les sept partis de la Vivaldi l’ont inclus dans leur accord de coalition. Mais pour six d’entre eux, c’était juste pour rire.