Bart De Wever veut lancer la N-VA… en Wallonie

Isolde Van Den Eynde, 7 sur 7, 2 décembre 2023

La N-VA a un nouveau plan: s’imposer en Wallonie. Trop gros pour être vrai? L’information vient pourtant du président des nationalistes flamands lui-même, dans un entretien exclusif à découvrir dans les colonnes d’HLN. “Nous voulons introduire notre vision du confédéralisme dans la lutte électorale en Wallonie et en faire un débat public là-bas”, expose Bart De Wever avec l’œil sur les prochaines élections. Comment compte-t-il s’y prendre? Mais surtout: avec qui?

Bart De Wever est prêt à tout pour venir à bout du règne de la gauche en Wallonie. Et il est même disposé à se mouiller au sud du pays pour arriver à ses fins. La lutte électorale sera ardue et chaque voix compte. “Je suis intimement convaincu que le confédéralisme est la seule manière de se débarrasser d’une gouvernance trop à gauche en Wallonie. Cette dernière est néfaste pour les Flamands. Mais les Wallons doivent s’en rendre compte aussi”, avance Bart De Wever de manière très inattendue dans une longue interview auprès de nos collègues de HLN. “C’est pour cela que nous envisageons très sérieusement de proposer nos propres listes en Wallonie”, annonce-t-il encore.

Entrevoit-il de vendre la marque N-VA telle quelle côté wallon ou de faire naître un genre de parti frère au sud du pays? Le président des nationalistes flamands n’a pas encore arrêté son choix. “Le tout est de commencer par raconter notre vision. Sous quelle forme, cela reste à voir”. Et De Wever d’ajouter: “Je n’ai rien contre les transferts. Les Wallons sont mes voisins et j’ai tout intérêt à ce qu’ils prospèrent eux aussi. Mais dépenser de l’argent pour les maintenir pauvres, ça, ça n’a aucun sens. Et c’est précisément ce qui faut aller expliquer directement en Wallonie. Sinon, cela ne fera jamais la une des médias là-bas et le sujet ne fera jamais l’objet d’un débat public”, argue-t-il encore. “Ce ne sont pas les politiciens de gauche qui vont en parler, et Bouchez est le plus grand belgicain qui soit. C’est pour cela qu’aucune autre perspective sur l’État n’est évoquée devant les Wallons”, croit-il savoir.

Le livre “Woke”, signé Bart De Wever, sold-out malgré le flop prédit par Deborsu

Scénario impensable jadis, Bart De Wever révèle aujourd’hui envisager de présenter son parti dans chaque province wallonne aux prochaines élections. “Nous avons plus de soutien côté wallon que ce que d’aucuns pensent. Christophe Deborsu avait prédit un flop pour la version traduite en français de mon livre sur le wokisme, mais il a été sold-out en deux semaines seulement”, s’amuse le président de la N-VA, avant de reconnaître que son ouvrage n’a été tiré qu’en 3.000 exemplaires en français. “Le succès a été au rendez-vous, c’est pourquoi il est parti en réimpression. Et nous avons de surcroit reçu de nombreux courriels de Wallons affirmant avoir de la sympathie pour ma vision des choses”

Bart De Wever ne se réserve qu’une 8e place sur le Grand Baromètre d’Het Laatste Nieuws, à une poignée de mois des élections. À la question “Qui, selon vous, représente le mieux vos intérêts?”, Bart De Wever finit donc bon 8e, juste derrière Georges-Louis Bouchez (MR) mais tout de même juste devant Jean-Marc Nollet (Ecolo). Le bourgmestre d’Anvers a déjà la mission de tirer la liste de la N-VA à la Chambre, mais il n’exclut pas de pointer le bout de son nez du côté des médias francophones pour plus de visibilité. Un exercice dont il n’était pas friand par le passé, même s’il préfère désormais justifier cette absence par un “manque de temps” à l’époque.

Mais quelle figure de proue pour séduire les Wallons?

Encore faut-il trouver matière pour représenter son parti comme il l’entend devant l’électeur francophone. Sur la question des figures de proue sur lesquelles il pourrait miser, Bart De Wever botte en touche: “Défendre la N-VA en Wallonie? C’est encore un suicide social. En Flandre, on parle souvent du ‘cordon sanitaire’, mais en Wallonie, le contexte est encore différent. Osez dire que vous passez à la N-VA et on vous met sur le bûcher. Donc on va y aller doucement, pour ne mettre personne dans une situation inextricable”. Et de rappeler la réaction de l’opinion publique francophone lorsque Georges-Louis Bouchez, en sa qualité de président de parti, s’est mis autour de la table avec Tom Van Grieken (président du Vlaams Belang) pour un débat dans Terzake (VRT). “Il a été vivement remis en question, alors qu’ici, on fait ça depuis 20 ans déjà! C’est vraiment une autre planète”, dépeint De Wever.

Si l’idée étonne, elle n’est pas inédite. Le Vlaams Belang avait fait la même tentative en 2019, en se présentant sur les listes fédérales dans chaque circonscription électorale. Une performance déjà aux oubliettes, mais pas inexistante pour le parti de Tom Van Grieken, qui était pour rappel tout de même reparti avec un total 18.000 voix wallonnes en poche. Des voix dont la majorité avaient été glanées dans le Hainaut. Un résultat pour du beurre, car l’extrême droite n’avait finalement dépassé nulle part le seuil électoral des 5% et avait donc regagné ses quartiers sans siège supplémentaire. Bredouille mais officiellement content, le Vlaams Belang avait alors plaidé l’acte symbolique “pour riposter face au fait que les partis francophones viennent rafler des voix dans le Brabant flamand”.

L’objectif de Bart De Wever n’est donc pas vraiment comparable à celui de Tom Van Grieken en 2019. Mais reste à voir l’accueil que lui réservent les Wallons.