Béatrice Delvaux,  Editorialiste en chef, « Le Soir », 27 avril 2024

Le monde politique francophone ne cesse de le répéter sur tous les tons : pas question d’envisager le confédéralisme pour gérer la Belgique, et donc de régionaliser un maximum de compétences avec juste un mini-socle commun. En témoigne le refus des partis du sud du pays en campagne d’en passer par une réforme de l’Etat prochainement, ou les stratagèmes déployés récemment pour éviter de devoir gouverner à la Région bruxelloise avec la N-VA si celle-ci s’y révélait incontournable après les élections.

Et pourtant, sur le terrain, dans les faits et par les gestes qu’ils posent – ou ne posent pas –, on se demande parfois si les francophones ne risquent pas de provoquer ce qu’ils craignent. Des exemples ? L’échec du bilinguisme français-néerlandais des jeunes francophones toujours pas obligés d’opter pour le néerlandais comme deuxième langue en secondaire. La situation budgétaire catastrophique de la Wallonie, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et aussi de la Région bruxelloise qui met de l’huile sur le feu flamand. Ou encore les piètres performances économiques de la Wallonie qui renforce l’image d’un boulet que le nord du pays en a assez de tirer et de « financer ».

Les politiques francophones ne sont pas les seuls à jouer avec le feu : les syndicats ne sont parfois pas en reste. Pour preuve, la séquence sociale « bpost » vécue cette semaine. Sans juger de la pertinence des actions, la différence était, elle, évidente sur la forme, avec une mobilisation et un mouvement de grève bien plus forts au sud qu’au nord. Mais ce « schisme » nord-sud est apparu encore plus clairement dans le contenu de l’accord finalement conclu entre la direction et les syndicats. Désormais, en effet, la distribution des journaux et des magazines se fera au nord du pays via les AMP alors que ce recours est strictement interdit – par écrit – au sud du pays. Les exigences syndicales diamétralement opposées provoquent dans les faits à une « régionalisation » d’une activité de l’entreprise publique.

La Belgique, un pays – une Poste –, deux démocraties ? Certains en Flandre l’ont martelé. Il faut en tout cas bien mesurer les conséquences des actes posés. Soit ce « un pays, deux démocraties » n’est pas l’objectif recherché côté francophone et il s’agit alors de ne pas nourrir l’impression inverse. Soit c’est une conviction croissante et alors il vaudrait mieux gérer de façon ordonnée toute transition de ce type, plutôt que de la laisser advenir petit à petit, « à l’insu de notre plein gré », sans réflexion. Une Belgique « confédéralisée » à la hussarde aurait tout, au quotidien, du chaos ou de la traversée actuelle du carrefour Léonard.