Jules Gheude, essayiste politique

On s’attendait à un coude à coude entre le PS et le MR et à une percée spectaculaire du Vlaams Belang.

La percée s’est finalement opérée en faveur du Mouvement réformateur qui, avec près de 30% des voix, met fin à l’hégémonie que détenait le Parti socialiste en Wallonie depuis près d’un demi-siècle. Quant au Vlaams Belang, malgré sa forte progression, il n’est pas parvenu à ravir à la N-VA la première marche du podium en Flandre.

Grâce au très beau score des Engagés, une majorité de centre-droit se dégage ainsi au Sud du pays, laissant enfin augurer un changement de cap radical pour la Wallonie, un élément auquel la Flandre ne devrait pas être insensible…

Son parti étant arrivé en tête au niveau fédéral, c’est tout naturellement que Bart De Wever a été pressenti par le Roi pour tenter de former une nouvelle coalition, qui devrait réunir le MR, Les Engagés, le CD&V et Vooruit.

A la veille du scrutin, l’intéressé a créé la surprise en annonçant que l’indépendance de la Flandre, revendiquée expressément par les statuts de la N-VA, était désormais un concept dépassé et qu’il pouvait se contenter d’une autonomie maximale, obtenue via l’adoption d’un système confédéral.

Et c’est ici que les choses peuvent coincer. Car, hormis le CD&V qui, au niveau institutionnel, n’entend pas remettre le dentifrice dans le tube, notamment en ce qui concerne les soins de santé, les autres partenaires ont clairement fait savoir qu’ils étaient opposés à tout dépeçage massif du pouvoir central.

Il est évident que, à quelques mois des élections communales, la N-VA n’a aucun intérêt à baisser la garde dans la défense des intérêts fondamentaux de la Flandre. Une Flandre dans le parlement de laquelle elle dispose du même nombre de sièges (31) que le Vlaams Belang !

Bart De Wever a tout fait pour contrer ce dernier et a exclu toute alliance avec lui.

Mais dans l’hypothèse où les négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral ne pourraient aboutir, le fait que la N-VA et le Vlaams Belang détiennent ensemble 62 des 124 sièges au Parlement flamand reste une donnée essentielle, d’autant que le CD&V pourrait venir en renfort. N’oublions jamais, en effet, que c’est le CVP Luc Van den Brande, qui a lancé, au début des années 90, alors qu’il était ministre-président flamand, l’idée confédéraliste et que c’est un autre CVP, Yves Leterme, qui a porté en 2004 le cartel CVP/N-VA sur les fonts baptismaux.

Pour la Flandre, le fédéralisme est dépassé depuis bien longtemps. Elle ne se considère plus, en effet, comme une entité fédérée mais comme une nation qui a tout naturellement vocation à devenir un Etat.

Quand il développe le projet confédéraliste, Bart De Wever parle d’ailleurs clairement de deux Etats – la Flandre et la Wallonie – cogérant Bruxelles pour ce qui est des matières dites personnalisables : « Les Bruxellois ont donc le choix entre le paquet flamand ou le paquet wallon pour l’impôt des personnes, le système de sécurité sociale, l’aide sociale, la protection de la jeunesse, l’immigration et l’intégration… »

Un gouvernement fédéral pour la Fête nationale ? Rien n’est moins sûr. En préambule du programme électoral de la N-VA, on pouvait lire : « Le confédéralisme est l’objectif premier et essentiel de notre action politique aujourd’hui. Nous refuserons toute refédéralisation des pouvoirs. Nous ne voulons pas non plus d’une nouvelle réforme incomplète de l’Etat, comme les six précédentes, dans lesquelles les Flamands n’ont reçu que des bribes de pouvoir en échange d’un gros paquet d’argent pour la Wallonie et Bruxelles. »

On voit enfin, à Bruxelles, la difficulté à composer un gouvernement tant le spectre politique est fragmenté.

Et pour revenir à la Wallonie, la FGTB a d’ores et déjà annoncé qu’elle entrait en résistance…

Ma conclusion : il serait illusoire que les responsables francophones pensent en avoir fini avec le nationalisme flamand.