Bernard Demonty, « Le Soir », 11 juillet 2024
L’accord du gouvernement wallon est ficelé, tout comme celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En voici les dix grands trains de mesures, commentés par Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez, qui ont tenu une conférence de presse jeudi.

Les Engagés et le MR sont parvenus ce jeudi à un accord sur les programmes des gouvernements wallon et francophone. Slogan : « Avoir le courage de changer pour que l’avenir s’éclaire ». Les deux textes comprennent 184 pages exactement. « Il nous faut avoir résolument le courage de changer, de quitter la posture stérile de la défense sans nuance ni flexibilité des acquis et des privilèges », indique le préambule, qui cite Michel Rocard : « Il nous faut penser loin, parler vrai et agir juste. » La déclaration a été présentée lors d’une conférence de presse qui a duré plus de deux heures. En voici quelques grands points, sans exhaustivité.
La fiscalité : une baisse d’impôt inédite de 1,5 milliard d’euros.
Plus d’argent pour les classes moyennes et populaires, moins de dépenses excessives des autorités publiques. Voilà le mantra de la coalition MR-Engagés en Wallonie en matière de fiscalité. Parmi les mesures marquantes, on notera un accès facilité à la propriété via une réduction à 3 % du taux des droits d’enregistrement à partir du 1er janvier 2025, soit le même montant qu’en Flandre.
Les droits de succession et de donation seront « diminués radicalement » et leur perception directement gérée par la Wallonie. « La baisse sera de 50 % », a précisé Maxime Prévot. Tous les taux actuels (qui montent parfois jusqu’à 80 %) seront donc divisés par deux avec un taux minimum de 5 % sur les successions en ligne directe. La condition de cinq années d’occupation de la résidence principale du défunt pour bénéficier des avantages sur ce bien sera supprimée. « Au total, les mesures fiscales entraîneront des baisses d’impôts de 1,5 milliard d’euros, a dit Georges-Louis Bouchez. C’est la plus grosse baisse d’impôt jamais connue en Wallonie. » Elle devrait s’étaler sur deux législatures, le document évoquant « une baisse de 700 millions cumulés sur cette législature ».
On notera aussi des adaptations en termes de fiscalité automobile et environnementale. Une réforme de la taxe de mise en circulation pour les voitures électriques est annoncée ainsi que l’instauration d’une « vignette », idée jamais réalisée jusqu’à présent.
Enseignement : la fin du statut pour les nouveaux professeurs.
Maxime Prévot a annoncé une révision du Pacte d’excellence, notamment sur le tronc commun, qui sera « adapté » s’agissant de la troisième secondaire. Concernant les réseaux d’enseignement, une fusion des trois réseaux officiels « sera rendue possible », a dit Maxime Prévot. Les taux de financement des écoles et des infrastructures seront alignés sur 10 ans. D’autre part, l’ancienneté dans un réseau sera « portable » dans un autre réseau. Enfin, pour les nouveaux enseignants, le CDI remplacera la nomination. Concernant le décret paysage, il sera revu, « pour voir si l’on peut revenir à un décret Glatigny adapté, voire au décret Bologne. », a dit Maxime Prévot. Les smartphones seront interdits dans l’enseignement primaire, a d’autre part annoncé Maxime Prévot.
Gouvernance : moins de ministres et des cabinets réduits.
« Nous allons passer de 13 à 10 ministres au total en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles. » a dit Georges-Louis Bouchez. Autre mesure majeure : en 2030, les conseils provinciaux seront supprimés, si une majorité des deux tiers est atteinte au parlement fédéral. Les compétences des provinces seront transférées au niveau supracommunal, par la création de collèges de bourgmestres.
D’autre part, le MR et les Engagés ont l’intention de rapprocher, dans leur fonctionnement, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne. Il y aura notamment « des ministres dits « à double casquette » et des gouvernements conjoints à intervalles réguliers dès le début de la législature. »
Ils examineront aussi « les transferts possibles de compétences pour rendre le système plus lisible et plus efficient. » Quelques détails sur ces transferts : les infrastructures sportives et celles de la petite enfance seront transférées à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le patrimoine culturel serait quant à lui régionalisé. Il y aura aussi des séances communes des gouvernements wallon et bruxellois.
L’effectif des cabinets ministériels sera par ailleurs réduit de 10 %. Au chapitre « villes et communes », l’accord prévoit que les futurs engagements se feront par contrat à durée indéterminée, à l’exception, précisent-ils, des grades légaux. Une révolution, par rapport au régime statutaire actuel. Par ailleurs, les circonscriptions électorales régionales seront redessinées : elles seront à l’avenir provinciales, les arrondissements sont abandonnés. Le nombre d’élus dans les conseils communaux des grandes villes sera réduit.
Emploi : un accompagnement des chômeurs plus serré.
Le cadre législatif et administratif relatif à l’emploi sera plus simple. Plus clair également, le paysage de l’emploi et de la formation, où les doublons seront traqués et les rôles de chacun, clarifiés (on sent venir un nouveau « Yalta » entre le Forem et l’Ifapme). Georges-Louis Bouchez a d’ailleurs annoncé que le Forem serait réformé. Décomplexifiées, les aides à l’emploi et les incitations (augmentées) à embaucher pour les entreprises, afin de doper le taux d’emploi de la Wallonie. Quant à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, il devra être plus intense et plus individualisé, « pour répondre aux besoins des entreprises et des travailleurs ».
Economie : une fusion entre Belfius et Ethias ?
Le nouvel exécutif « proposera d’étudier l’opportunité d’une fusion » entre l’assureur Ethias, dont les Région sont actionnaires, et la banque Belfius, détenue à 100 % par l’Etat fédéral.
Au chapitre économie, le nouveau gouvernement wallon promet « une politique industrielle ambitieuse », axée sur le soutien des « secteurs stratégiques » (matériaux circulaires, santé, conception et production agile, agroalimentaire et environnement, habitat et énergie) et sur « les secteurs dans lesquels la Wallonie est un acteur qui compte comme notamment les secteurs biotech et pharmaceutique, l’aéronautique, le spatial, la défense, l’(éco)construction, l’industrie manufacturière et extractive, l’agro-alimentaire, etc. » La nouvelle coalition promet, notamment un plan de relance wallon « resserré », un soutien accru à la R&D et au développement préindustriel et une rationalisation du nombre d’invests. A ce sujet, les participations publiques seront évaluées et adaptée à la réalisation des objectifs stratégiques – et, le cas échéant, cédées. Enfin, 1.500 hectares de friches vont être reconverties pour des activités économiques.
Budget : un déficit réduit de moitié en Wallonie.
Au chapitre du budget (qui tient en une page), le nouveau gouvernement wallon « s’engage à respecter les objectifs budgétaires qui lui incomberont, dans le cadre des accords intra-belges et dans le respect des nouvelles règles budgétaires européennes » Afin « d’assurer la soutenabilité de l’entité », la coalition MR-Engagés prévoit d’intégrer « une règle d’or budgétaire » imposant de ramener la dette sur recettes « vers un niveau de 180 %, qui ne pourra plus être dépassé. » Les efforts budgétaires « seront principalement soutenus par une réduction des dépenses publiques. (…) Aucun nouvel impôt ne sera instauré, sauf en remplacement d’impôts existants », précise la DPR. « Le déficit sera réduit de moitié sur la législature en Région wallonne et pour la Fédération, stopper l’accroissement du déficit puis le réduire. », a dit Georges-Louis Bouchez. Maxime Prévot : « Il n’y aura pas d’austérité mais de la responsabilité. »
Tourisme : enrayer la concurrence avec AirBNB.
Le nouveau gouvernement souhaite également que les propriétaires d’hébergements bénéficient de la visibilité qu’offrent « les plateformes de réservation en ligne et les organismes touristiques tout en encadrant un développement soutenable des hébergements au niveau local ». Le MR et les Engagés vont également soumettre l’idée au niveau fédéral (où les deux partis sont impliqués dans les négociations) que les gestionnaires d’hébergements bénéficient du régime de franchise TVA. A noter que le nouvel exécutif entend prendre « toute initiative utile pour enrayer la concurrence déloyale favorisée par la mise en location d’hébergements via plateforme de type Airbnb par rapport aux autres acteurs touristiques enregistrés » sans, néanmoins, identifier des mesures plus précises.
Climat, mobilité, énergie : la fin des nouveaux certificats verts.
Le gouvernement « s’inscrit pleinement dans l’objectif de neutralité carbone en 2050 et un objectif intermédiaire de -55 % de gaz à effet de serre d’ici 2030 ». La Wallonie « continuera à s’inscrire résolument dans la perspective de mise en œuvre du Pacte vert européen ». Le déploiement total des compteurs communicants chez les clients résidentiels au plus tard pour l’année 2029. La Boucle du Hainaut sera concrétisée, sous toute réserve des procédures en cours. Parmi les autres mesures : fin des nouveaux certificats verts en 2028 au plus tard, dispositions pour prévenir les cas de décrochages d’onduleurs. Il est aussi question de renforcer l’offre de transports en commun et sa qualité. Des réserves sont émises sur l’extension du tram de Liège vers Herstal et Seraing vu « l’explosion du budget ». Les formateurs annoncent aussi une nouvelle réforme de la taxe de mise en circulation pour moins pénaliser les grosses voitures électriques.
Famille : des crèches pour tout le monde.
Le nouveau gouvernement wallon veut permettre à chaque famille d’avoir accès à une place d’accueil en crèche, par la création de 5.000 places durant la législature, ceci afin d’à la fois stimuler l’emploi et gommer les inégalités. Le droit automatique aux allocations familiales pour les enfants de moins de 18 ans est maintenu. Pour la tranche 21-25 ans, dans le cadre du droit conditionnel, le droit aux prestations familiales sera maintenu pour les jeunes qui poursuivent leurs études, suivent une formation ou se trouvent dans une période totale de 12 mois suivant la fin de leurs études ou de leur formation.
Santé : une assurance autonomie.
Maxime Prévot annonce une assurance autonomie, pour permettre notamment un soutien aux personnes âgées. Cette assurance, en Flandre, implique une cotisation de 50 euros obligatoire. L’assurance devrait s’imposer avant la fin de la législature, mais les détails n’ont pas été communiqués.
Prochaine étape : constituer les deux gouvernements. Les deux présidents de parti ont répété, à plusieurs reprises, qu’ils n’avaient pas encore procédé à la répartition des compétences entre leurs deux formations. Une fois celle-ci effectuée, il leur appartiendra de convoquer des congrès de participation, puis de définir le casting ministériel. Les deux gouvernements devraient être connus « dans les trois à quatre jours », a « précisé » Georges-Louis Bouchez.