Jules Gheude

On se demande ce que, d’entretien en entretien depuis cinq mois, le roi Philippe et le formateur Bart De Wever peuvent bien se dire. Car, jusqu’ici, les négociateurs de l’Arizona ne se sont entendus sur rien de précis, se contentant de réfléchir à la méthodologie à employer. En fait, personne n’avait envie de s’aventurer avant les élections communales du 13 octobre.

Celles-ci ont consacré, une fois encore, le triomphe de Bart De Wever à Anvers. On connaît l’intérêt du leader de la N-VA pour l’histoire romaine. Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il ait tenu à apparaître, dimanche soir, précédé de son fils portant fièrement l’étendard des légions : l’aigle doré aux ailes déployées, avec l’inscription SPQR. Et de déclarer : « Rome a gagné contre Moscou ». Référence à la menace que le PTB communiste représentant pour la métropole anversoise.

Fort de ce nouveau triomphe, l’imperator entend à présent marquer le coup dans la poursuite des négociations fédérales. En témoigne cette nouvelle note de travail intitulée « Matières administratives, entreprises publiques et institutions fédérales ».

A l’occasion des élections législatives et régionales du 9 juin, la N-VA avait axé sa campagne sur l’introduction du confédéralisme : « Le confédéralisme  est l’objectif premier et essentiel de notre action politique aujourd’hui. Nous refuserons toute refédéralisation des pouvoirs. Nous ne voulons pas non plus d’une nouvelle réforme incomplète de l’Etat, comme les six précédentes, dans lesquelles les Flamands n’ont reçu que des bribes de pouvoir en échange d’un gros paquet d’argent pour la Wallonie et Bruxelles. »

En fin stratège qu’il est, Bart De Wever sait fort bien qu’il ne dispose pas de la majorité des 2/3 pour imposer une telle réforme. Mais on ne l’imagine pas non plus troquer le mayorat d’Anvers contre la direction d’une coalition gouvernementale Arizona qui ne lui permettrait pas d’engranger de substantielles avancées sur le plan institutionnel.

Comment les présidents du MR et des Engagés réagiront-ils face à cette nouvelle de travail, eux qui ont clairement annoncé leur opposition à tout dépeçage massif de l’Etat ?

Que souhaite en fait la N-VA ?

On sait qu’au fil des réformes de l’Etat, une série de leviers de gestion ont été transférés aux entités fédérées, sans que celles-ci en assurent toutefois le financement. Pour le parti nationaliste flamand, il convient de mettre fin à ce régime afin de responsabiliser financièrement les Régions et Communautés.

Dans un but de rationalisation et d’économies, la N-VA propose également que  « La chancellerie, le SPF Mobilité et le SPF Emploi Travail et Concertation sociale soient supprimés en tant que services publics distincts et fusionnés avec les autres SPF. » Et ce pour le 1er janvier 2026.

Pour ce qui est de la fonction publique, la note parle de mettre fin aux emplois statutaires : « Comme pour la plupart des autres employeurs publics de ce pays, le recrutement contractuel devient la règle au sein des autorités fédérales, à l’exception des fonctions d’autorité – telles que la police, la défense, etc. – où le recrutement reste statutaire. » La note précise toutefois que l’on « respectera les droits acquis du personnel en place, notamment pour ce qui concerne les pensions et rémunérations ».

D’autre part, il sera interdit aux agents des services publics fédéraux « d’afficher tout signe convictionnel ostensible de nature politique, philosophique et religieuse dans l’exercice de leur fonction ».

Enfin, la N-VA entend toucher aux établissements scientifiques fédéraux:  « Les établissements scientifiques fédéraux situés en Flandre seront transférés à la Région flamande. Ceux situés en Wallonie seront transférés à la Région wallonne. Les autres seront gérés et financés par les deux Communautés dans le cadre d’un accord de coopération. »

Quant aux Institutions culturelles fédérales, elles « seront rendues totalement autonomes et désormais pilotées par les deux Communautés dans le cadre d’un accord de coopération. »

Autre point important, la politique dans le domaine spatial : « Nous créons, en remplacement de Belspo, une nouvelle agence spatiale interfédérale dans laquelle les Régions sont représentées et où la bonne répartition des fonds de l’Agence spatiale européenne est garantie. »

Et pour ce qui concerne le commerce extérieur, « Nous supprimons l’Agence pour le commerce extérieur. Les compétences prévues par l’accord de coopération du 24 mai 2002 seront exercées en alternance annuelle par les trois agences régionales à l’exportation. »

Voilà donc une note de travail qui a le mérite de la clarté et qui reflète parfaitement la volonté des nationalistes flamands de réduire le pouvoir central belge.

On se souvient de la manière dont Maxime Prévot, le président des Engagés, a encensé Bart De Wever avant les élections communales : « Je confesse que je ne le connaissais pas bien. Là, je vois quelqu’un qui n’a jamais témoigné de mépris, qui a été systématiquement dans l’écoute et l’empathie pour trouver des voies de compromis. Honnêtement, je lui tire mon chapeau. (…) Jusque-là, nous avions connu un Bart De Wever qui tenait des propos cinglants à l’égard de la Wallonie. Mais ça, je ne l’ai jamais senti dans les négociations. »

Bref, pour Maxime Prévot, comme pour son homologue du MR, Georges-Louis Bouchez, il est impératif que Bart De Wever accède au 16, rue de la Loi.

Mais cela, c’était avant d’avoir connaissance de la nouvelle note de travail présentée aujourd’hui par le formateur.

Une chose est sûre : la naissance de l’Arizona n’est pas pour demain. Et une fausse couche n’est nullement à exclure.

Un nationaliste flamand reste un nationaliste flamand. Et que fait un séparatiste lorsqu’il obtient la légitimité démocratique ? Il sépare, tout logiquement !