Le ministre des Pouvoirs Locaux et de la Mobilité, François Desquesnes (Les Engagés), défend les coupes budgétaires qui impacteront les communes en annonçant qu’elles recevront 37 millions des provinces pour le financement des zones de secours. 

« Le Soir », entretien par Gil Durand et Stéphane Vande Velde, 3 décembre 2024

Le ministre des Pouvoirs locaux et de la Mobilité, François Desquesnes (Les Engagés), vice-Premier wallon, n’a pas chômé depuis son arrivée au gouvernement. Avant le début des discussions budgétaires au Parlement, il revient sur les dossiers chauds, comme le Plan Oxygène ou la fin des extensions du tram.

Comment éviter que les communes basculent définitivement dans le rouge suite aux réformes budgétaires ?

On est déjà dans une situation très compliquée et si on veut éviter un scénario à la grecque, chaque niveau de pouvoir doit faire des efforts. Les pouvoirs locaux ont, c’est vrai, sur leur dos une partie des charges qui tombent du fédéral (le changement de règles des pensions, la dotation fédérale en termes de police n’est plus indexée, l’engagement sur les zones de secours n’est pas tenu) et cela commence à faire beaucoup. C’est la raison qui a conduit mon prédécesseur à mettre en place le plan Oxygène pour les communes touchées par les 4 P (pension, police, pompiers, pauvreté). La Région organise aussi la solidarité vis-à-vis des communes avec le fonds des communes. 1,6 milliard par an, c’est une somme conséquente, un soutien massif.

Mais ce fonds des communes va être amputé du 1 % de majoration…

Les communes n’auront pas la majoration mais elles auront l’indexation. Cette absence de majoration, cela va coûter 16 millions d’euros aux communes. Comparé au 1,6 milliard, un montant qui sera indexé ! La Région ne peut pas tout ! Et si on ne partage pas l’effort, c’est la Région qui, à un moment donné, sera impactée.

Comment comptez-vous aider les communes ?

Il y aura une montée en puissance de la supra-communalité. En 2025, l’effort demandé aux provinces pour financer davantage les zones de secours s’élèvera à 37 millions d’euros. Quand on compare les 16 millions perdus aux 37 millions gagnés…

Pour 2025 car en 2029, cela sera bien plus que 16 millions perdus…

Mais on est sur le budget 2025 ! Il y a un engagement dans la DPR (déclaration de politique régionale) à faire monter en puissance l’intervention des provinces dans le financement des zones de secours et la première étape, c’est 2025. Les provinces se cherchent parfois un avenir ou une raison d’être et on pense au gouvernement, que, pour les zones de secours, le rôle provincial a du sens.

N’est-ce pas paradoxal quand on veut réformer les provinces ?

Non, la DPR veut redonner de l’importance aux provinces mais avec un mode de fonctionnement rénové, sur ses compétences et sur la façon de les exercer.

Les provinces ont-elles tant d’argent pour leur demander un effort de financement supplémentaire ?

Les réserves des provinces sont aujourd’hui supérieures à 500 millions d’euros. Il y a là une capacité à financer des projets. Désormais, la dotation du fonds des provinces sera utilisée à 100 % pour les zones de secours. Cela rapportera 18 millions d’euros. Et à cela s’ajoute une nouvelle enveloppe de 19 millions d’euros que la Région donne aux provinces, comme garantes de la supra-communalité.

Est-ce que cela sera suffisant pour répondre aux besoins des communes ?

Aujourd’hui, il y a 234 communes qui assument leurs responsabilités et sont dans les clous, il y en a 27 qui ont des difficultés et qui bénéficient du Plan Oxygène. Plan qui ressemble à un emplâtre sur une jambe de bois. Ne me demandez pas de trouver en quatre mois la solution structurelle pour les finances locales que mon prédécesseur n’a pas trouvée en cinq ans. Aujourd’hui, Liège et Charleroi ont besoin chacune d’un prêt de 110 millions d’euros pour passer le cap de l’année 2025. L’argent prêté dans le cadre du plan Oxygène est un argent qui doit servir à combler le budget pour les surcoûts liés aux 4 P, pas à autre chose. Le bourgmestre de La Louvière se plaint de ne toucher que 3 millions au lieu de 16 mais c’est au contraire une bonne nouvelle pour les finances. C’est moins d’endettement.

Vous donnez l’impression que certaines villes comme Mons, Charleroi ou Liège ne font pas assez d’efforts. Elles n’ont pourtant pas des trains de vie somptuaires…

On peut regarder la taille de certains cabinets d’échevins, certains événements festifs, certaines politiques généreuses, en termes de subsides ou de transferts de moyens.

Vous estimez que ces grandes villes ne sont pas assez bien gérées ?

Je reconnais qu’elles assument davantage de coûts dont se déchargent les communes plus périphériques. Mais je constate que certaines grandes communes sont bien gérées. Prenons l’exemple de Mouscron (dont le bourgmestre est Engagé, NDLR) ! Dans les neuf plus grandes villes de Wallonie, certaines sont en meilleur état que d’autres.

N’est-ce pas caricatural de dire que les grandes villes socialistes sont mal gérées ?

Je suis ministre des Pouvoirs locaux. De tous les pouvoirs locaux. Quelle que soit la majorité en place. Mais à un moment donné, il faut donner un message de responsabilisation.

Pour le plan Oxygène, comment avez-vous convaincu Belfius de revenir dans le jeu ?

On a demandé au CRAC (Centre régional d’aide aux communes) de réinterroger Belfius qui avait donné une offre non conforme en expliquant que le souhait de la Région consistait à ce que les communes respectent les remarques et les plans de gestion. Et cela a eu un effet déclencheur, Belfius décidant de financer quatre communes.

Est-ce que la vente d’Ethias a été mise sur la table pour convaincre Belfius ?

Non. Quand vous voyez les sommes en jeu, soit un emprunt de 30 millions d’euros, comparées aux enjeux stratégiques et économiques d’Ethias, il ne saurait y avoir de lien. Ce serait surréaliste. Il faut être fou pour faire cela.

Quel est l’argument de Belfius pour refuser de financer Mons ?

On n’a pas reçu d’explication. Mais il faut se demander pourquoi aucune banque n’a accepté de prêter à ces trois villes.

Le retour du spectre d’un « scénario à la grecque »

Gil Durand et Stéphane Vande Velde

« Un soutien massif. » François Desquesnes veut rassurer : la Région wallonne n’abandonnera pas ses communes. Pas même ses grandes villes, largement dans le rouge. Même ligne pour la mobilité : il faut améliorer l’attractivité du TEC, simplifier la grille tarifaire, etc.

Il n’empêche. Le message est clair, martelé : il faudra faire (si possible mieux) avec moins. On n’a pas le choix si on veut éviter « le scénario à la grecque ». A ce point ? « La Troïka en Grèce, c’était violent », insiste-t-il. « Il y a un signal d’alarme »