Jules Gheude, essayiste politique (1)

Je suis non-croyant, mais je connais les valeurs qu’est censée véhiculer la confession chrétienne, parmi lesquelles l’amour du prochain et la paix entre les hommes.
Le CD&V est le dernier parti politique belge à se revendiquer ouvertement de cette confession.
Or, jeudi dernier, à la Chambre, lors de a la séance des questions au gouvernement fédéral en affaires courantes, nous avons vu le président de ce parti, Sammy Mahdi, entrer dans une colère noire, s’agiter, vociférer, parce qu’un contrôleur de la SNCB s’était permis, à Vilvorde, donc en territoire flamand, de souhaiter le bonjour dans les deux langues aux voyageurs. Selon lui, la législation linguistique avait été honteusement bafouée.
Voilà qui en dit long sur ce non-pays, qui, plus de six mois après les élections législatives et régionales du 9 juin dernier, ne parvient pas à se trouver une nouvelle coalition fédérale et connaît un blocage total au niveau de la Région bruxelloise.
AVV-VVK. Alles voor Vlaanderen en Vlaanderen voor Kristus. Tout pour la Flandre et la Flandre pour le Christ.
Durant des décennies, ce slogan a figuré à la Une du quotidien démocrate-chrétien flamand « De Standaard », celui-là même qui défendait bec et ongles à l’époque la stratégie menée par le CVP.
Un CVP tout-puissant au point que l’on parlait d’Etat-CVP.
Un CVP qui veillait, en 1962, à fixer définitivement la frontière linguistique.
Un CVP qui comptait dans ses rangs un député Jan Verroken, lequel, en 1968, mit le feu à l’Univesité de Louvain en lançant son fameux « Walen buiten ».
Un CVP qui mit tout en œuvre pour concrétiser rapidement, après la réforme institutionnelle de 1970, l’autonomie culturelle, tandis qu’il faisait tout pour empêcher l’éclosion de Bruxelles comme région à part entière : on se souvient des éructations d’Eric Van Rompuy, président des CVP-Jongeren, et de la façon perfide, sournoise, dont le Premier ministre CVP, Léo Tindemans, torpilla le Pacte d’Egmont qui avait le mérite de concilier l’eau et le feu, à savoir le FDF et la Volksunie.
Un CVP qui, par la voie du ministre de l’Intérieur CVP, Luc Van den Brande, s’opposa, dans les années 80, à la nomination de José Happart comme bourgmestre des Fourons, l’intéressé étant qualifié de « Meneer H ».
On se souvient aussi de la Une du « Soir », le 16 décembre 1982 : « Le CVP dit stop à la solidarité nationale pour Cockerill-Sambre »
Puis, il y eut le Premier ministre Jean-Luc Dehaene qui, lors de l’élaboration de la loi de financement, put compter sur ses « Toshib a boys », super équipés en informatique, pour rouler les francophones dans la farine et faire en sorte que leur enseignement se trouve asphyxié à court terme.
On retrouve ensuite Luc Van den Brande, ministre-président flamand CVP, qui, au début des années 90, alors que le fédéralisme vient d’être officiellement inscrit dans la Constitution belge, lance l’idée du confédéralisme.
Et on arrive à Yves Leterme, qui, président du CVP, porte sur les fonts baptismaux en 2004 le cartel avec la N-VA. Le même Yves Leterme qui, devenu ministre-président flamand, se fera remarquer par cette fameuse interview au journal français « Libération », le 17 août 2006 : « Les leaders francophones, et même le Roi, ont des difficultés à parler couramment le néerlandais. Oui, les différences s’amoncellent, le fossé se creuse. Que reste-t-il en commun ? Le Roi, l’équipe de foot, certaines bières… (…) La Belgique est un accident de l’histoire. »
Se rendant plus tard, en tant que Premier ministre, au Te Deum organisé à l’occasion de la Fête nationale, Yves Leterme se trouve face à un journaliste de la RTBF qui lui demande s’il connaît la Brabançonne. Et d’entonner la… Marseillaise.
Enfin, on n’a pas oublié ces propos tenus par Wouter Beke, président du CD&V, au journal québécois « Le Devoir » en 2007 : « Nous voulons une véritable confédération où chacun pourra agir comme il l’entend. Si les francophones n’acceptent pas de lâcher du lest, nous n’aurons pas d’autre choix que l’indépendance. »
En fait, Sammy Mahdi s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Une lignée dont on peut se demander en quoi, vraiment, elle est chrétienne.
Dans une interview accordée au « Soir », le 12 décembre 2013, l’ancien ministre CVP de la Justice, Stefaan de Clerck, précisait : « Il y a toujours eu, en Flandre, deux forts courants : la démocratie chrétienne et le nationalisme démocratique. Ensemble, ils représentent un sentiment très majoritaire en Flandre. Ils sont complémentaires. »
Dans son deuxième roman, « Le Suicidé de Porquerolles », qui vient de sortir aux Presses du Midi à Toulon, Jules Gheude évoque notamment le démantèlement cde la Belgique et l’intégration de la Wallonie à la France.