Il revient en politique générale, du moins c’est son ambition, en relançant un nouveau parti. « Le nom est choisi, le programme est avancé », nous présenterons cela après le congé de Pâques. L’idée : « Les francophones glissent dans la dépendance intellectuelle, politique, économique par rapport à la Flandre, réagissons. »
« Le Soir », David Coppi, 22 mars 2025

Il a quitté Défi – qu’il avait fondé en 2015 – fin 2024 et tient son engagement : relancer un parti. Mayeur de Woluwe-Saint-Lambert, Olivier Maingain confirme, et précise.
Lâchant Défi, vous aviez annoncé vouloir refonder un nouveau parti, c’est toujours à l’ordre du jour ?
Oui. Nous le présenterons mi-avril, après le week-end de Pâques, en conférence de presse. Un congrès aura lieu en septembre. Une charte et le programme sont en cours d’élaboration, ils seront finalisés sur un mode participatif. Le nom du parti est choisi. Nous voulons être présents aux prochaines élections, il y aura des listes partout.
L’idée maîtresse ?
Faire gagner Bruxelles et la Wallonie et, pour cela, ne pas être dans la dépendance par rapport au nationalisme flamand. C’est ce que l’on vit concrètement aujourd’hui. Au niveau fédéral, c’est clair. Quant à Bruxelles, la menace est celle-là, je pense à la paralysie des institutions. Il faut retrouver le courage de faire face, les Bruxellois doivent garder la maîtrise de la gestion de leur Région. On entend, en substance : vous pouvez gouverner, mais surtout vous ne pouvez pas déplaire aux décideurs en Flandre ! C’est insupportable, il faut s’émanciper. C’est maintenant ou ce ne sera plus possible.
Pratiquement, que faire alors ? Votre programme est avancé, dites-vous.
Oui, nous le dévoilerons bientôt, mais je peux anticiper certains points décisifs.
Un : il faut exiger de pouvoir renforcer l’autonomie constitutive de la Région bruxelloise.
Deux : changer le modèle électoral, avec un système de proportionnalité entre les listes, partant des regroupements selon les sensibilités politiques, aussi entre francophones et néerlandophones, comme cela se fait au niveau communal ; fini la représentation garantie ; il faut sortir du chantage exercé par des partis flamands qui opèrent en fonction des exigences de la Flandre elle-même. Et, notez-le, du même coup nous protégerons ainsi les politiques flamands à Bruxelles des exigences posées en Flandre. Nous plaidons aussi pour la dissociation des scrutins entre fédéral et Régions.
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Trois : simplifier les institutions, avec un gouvernement restreint, de cinq membres, dont un néerlandophone, en supprimant les commissions communautaires, Cocof, Cocom, et en ramenant à 60 le nombre d’élus au parlement bruxellois.
Quatre : réduire le nombre d’OIP, les Organismes d’intérêt public, et le nombre d’agents qui opèrent en leur sein.
Cinq : la Région doit renoncer à de grands projets, comme la poursuite du métro 3, il faudra faire une pause, également la rénovation de voiries à grands coûts, des coûts exorbitants.
Six : repenser la politique du logement via de massifs partenariats public-privé.
Sept : à Bruxelles, comme en Wallonie, il faut instaurer des méthodes de démocratie directe, dont le référendum décisionnel, sans ambiguïté, dans les matières qui intéressent le développement des Régions, comme la mobilité.
Voilà, ce sont les conditions d’un redéploiement sur tous les plans, à commencer par le socio-économique, le budget aussi évidemment.
C’est un programme bruxello-bruxellois.
Le programme du parti sera fédéral, nous dévoilerons un programme wallon à part entière mais là, il est vrai que le débat bruxellois est central aujourd’hui dans l’actualité et, pour cette raison, j’ai mis aujourd’hui l’accent sur ce chapitre dans mon propos.
Votre axe porteur, c’est se libérer de ce que vous appelez la « dépendance flamande ».
Oui. Parce que les partis actuellement du côté francophone ne sont pas, ne sont plus, protecteurs. Alors, je le dis, il y a beaucoup de choses à changer du côté francophone, on a raison d’être critiques mais là, c’est autre chose, on est complaisants vis-à-vis du nationalisme flamand, nous glissons dans la dépendance. Il n’y a plus un parti qui mette en avant la volonté de se faire respecter, et ainsi créer les conditions de notre prospérité, à Bruxelles, en Wallonie. Prenez le MR, il devient une sorte de parti belgo-flamand ; on est très loin de la nation francophone de Jean Gol.
Le parti Défi n’est plus à même de tenir son rôle auprès des francophones ?
Ce parti part en quenouille, je n’insisterai pas. Le juge Claise dit que les gens ne sont pas nécessairement opposés à la participation de la N-VA au gouvernement bruxellois, des mandataires à Uccle ne signent pas une motion contre la fusion des zones de police, la présidente du parti estime qu’il pourrait y avoir un secrétaire d’Etat supplémentaire néerlandophone… J’en passe. Fondamentalement, le parti n’a plus de ligne de conduite.
Le nom de la nouvelle formation ? Des indices…
Ce sera un mot. Qui montrera notre volontarisme, et qui renverra à l’idée, comme je vous l’ai dit, de redonner de l’ambition aux francophones, les protéger.
Des personnalités qui vous auraient déjà rejoint ?
Nous avons des contacts, mais je ne suis pas à la chasse aux débauchages, nous serons dans autre chose. Quelqu’un qui n’a jamais fait de politique incarnera le parti, moi-même je serai dans l’équipe mais pas président, je participerai aux débats, je reviens en soutien d’une nouvelle génération politique, avec une énergie intacte, et la volonté d’interpeller nos concitoyens, vous verrez. Le moment est crucial, s’il n’y a pas une prise de conscience francophone qui se remanifeste avec une certaine force, alors nous glisserons complètement dans le système de la dépendance intellectuelle, politique, économique par rapport au nationalisme flamand. Il faut arrêter ça, dans peu de temps il sera trop tard, ce sera irrécupérable.
On dira : cette interpellation face au nationalisme flamand, c’est une rengaine, une catégorie politique ancienne…
Au contraire, elle est d’une actualité brûlante. Le nationalisme flamand n’a jamais été aussi fort. Il est structurellement puissant, dominant, les francophones n’ont plus de voix, nos partis ne sont plus à la hauteur.
Pour la cause
Par David Coppi
Il faut (s’) avouer que le geste d’Olivier Maingain fait un peu ancien monde au départ. Sa volonté de relancer une formation politique fondée sur l’idée-maîtresse selon laquelle il faut nous protéger contre le nationalisme flamand, nous émanciper de l’état de dépendance dans lequel, selon lui, nous glissons, nous, francophones, cette idée-maîtresse, donc, n’est plus portée politiquement ni intellectuellement par grand monde au sud, ou alors subsidiairement. Affaire classée ? Aucune ne l’est jamais vraiment en politique, a fortiori dans la conjoncture qui est la nôtre, changeante, accidentée.
Pour le coup, on peut s’interroger à propos de cette relative atonie francophone, certainement à côté de la forte militance flamande au Nord, celle de la N-VA et du Belang avant tout, les autres partis prennent aussi leur part. Et se dire que, oui, après tout, il y a une place à prendre en face, au Sud.
Dans ce cas, Olivier Maingain est à prendre très au sérieux. Il a de la bouteille, il fut le héraut du FDF (Front démocratique des francophones), le fondateur de Défi, il est légitime dans le combat francophonissime, et il en veut… Il a comme une soif de revanche après que son Défi, précisément, eut été, selon lui, désarticulé et dévié de son but par ses successeurs.
L’amarante historique croit pouvoir redresser tout cela et veut reprendre du service pour la cause. On va douter ici, s’interroger partout, se gausser ailleurs. Mais qui osera prétendre qu’elle n’a pas de sens ?