Opinion publiée dans « La Libre », le 24 juillet 2025 : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2025/07/24/bart-de-wever-un-chef-dorchestre-a-la-baguette-precise-QEGHZZZGQZH2LNCCX4VJGPMDKI/

Jules Gheude, essayiste politique
Bart De Wever peut être légitimement fier de ce qu’il est parvenu à mettre en œuvre, en un peu plus de cinq mois, à la tête de la coalition Arizona.
Le travail abattu est, en effet, considérable et les réformes entreprises, courageuses.
Chapeau au chef d’orchestre qui, avec un flegme britannique remarquable, est parvenu à obtenir de ses musiciens une interprétation fidèle de l’œuvre à exécuter. Une œuvre compliquée par le nombre de thèmes abordés : marché du travail, pensions, fiscalité, santé, défense…
Le challenge est réussi et il n’était pas gagné d’avance.
Bart De Wever sait où il veut aller et il y va avec une détermination exemplaire, sans jamais recourir aux outrances verbales de celles et ceux qui fustigent son projet.
Reconnaissons-le de façon objective : il inspire la classe et le sérieux.
Remettre les finances publiques en ordre, tel est son objectif majeur. Mais davantage pour assurer la prospérité de la Flandre que celle du Royaume. Car Bart De Wever reste, avant toute chose, un nationaliste flamand. Contrairement à ses collègues francophones Maxime Prévot ou David Clarinval, il n’arbore pas le drapeau tricolore au revers de ses vestons…
Il est d’ailleurs intéressant de réécouter l’interview accordée par Matthias Diependaele, le ministre-président flamand N-VA, à Christophe Deborsu (Matinale RTL), à la veille de la Fête flamande du 11 juillet :
« L’idéal, pour moi, c’est bien sûr l’indépendance. Mais je suis aussi un démocrate et je sais qu’il n’y a pas de majorité, même en Flandre, pour cela. Alors je pense que le but le plus important, en ce moment, c’est la prospérité des Flamands. C’est pour cela que nous sommes entrés au gouvernement fédéral. Je pense qu’on a une politique assez flamande. C’est comme en cuisine : nous avons une Belgique à la flamande. »
Sans doute est-ce d’un œil attentif et intéressé que Bart De Wever et Matthias Diependaele observent le changement radical qui s’est opéré à la Région wallonne depuis les élections du 9 juillet 2024 et qui tend à mettre fin à cette politique d’assistanat et de clientélisme effréné, menée depuis 1980 sous 16 ministres-présidents socialistes.
Au sein de la coalition Arizona, Bart De Wever s’est arrangé pour s’occuper personnellement d’un autre chantier qui lui tient particulièrement à cœur : celui d’une nouvelle réforme de l’Etat devant permettre de simplifier nos institutions (suppression du Sénat) et d’augmenter sensiblement le spectre des compétences des Régions.
La dernière campagne électorale de la N-VA fut axée sur le confédéralisme, un projet lancé au début des années 90 par le ministre-président flamand CVP Luc Van den Brande et avalisé par le Parlement flamand en 1999.
Il ne s’agit plus ici d’entités fédérées, mais d’Etats – Flandre et Wallonie – détenant l’essentiel des compétences (le pouvoir central belge étant réduit à la portion congrue) et assurant la cogestion de Bruxelles au niveau des matières dites personnalisables (impôt des personnes, soins de santé, etc.).
Si les responsables francophones ne sont pas opposés à un allégement du millefeuille institutionnel, ils sont par contre farouchement opposés à tout dépeçage massif de l’Etat.
Avec l’aiguillon du Vlaams Belang dans les reins, Bart De Wever sait qu’il doit engranger des résultats substantiels devant permettre d’accroître sensiblement la souveraineté flamande.
L’impasse politique à laquelle est confrontée la Région bruxelloise depuis les élections du 9 juin 2025 ne peut qu’apporter de l’eau à son moulin, comme en témoigne cette déclaration : « Si Bruxelles vient réclamer de l’argent au fédéral, je mettrai la Région sous tutelle. Car je poserai des conditions très claires d’assainissement pour arrêter la mal gouvernance bruxelloise. Ils vont évoluer vers une dette de près de 300 % de leur budget. C’est scandaleux ! ».
De son côté, Matthias Diependaele, lors de son interview à RTL, n’a pas manqué d’expliquer pourquoi, selon lui, le statut des communautés à facilités linguistiques devait être abrogé.
Une chose est sûre : après les négociations qui interviendront à l’automne pour la confection du budget 2026, on peut s’attendre à ce que l’institutionnel revienne en force sur le tapis. Et nul doute qu’ici aussi, Bart De Wever saura déployer ses talents de fin stratège.