Le gouvernement d’Elio Di Rupo dévoile un « plan des plans ». Les dossiers liés à Get Up Wallonia mobiliseront un tiers des moyens.

Eric Deffet – « Le Soir », 21 mai 2021

Il y a une semaine, nous parlions d’« heure de vérité » à propos du conclave et de la mise au vert qui attendaient les ministres PS, MR et Ecolo du gouvernement wallon. Vendredi à Namur, Elio Di Rupo et son équipe ont présenté les résultats de leurs réflexions. Ils sont impressionnants si l’on en juge par les montants avancés et par le brassage des matières et des dossiers qui doit conduire la Wallonie sur le chemin du renouveau, après la parenthèse covid.

L’annonce du jour est la suivante : l’exécutif wallon a décidé de « mutualiser » ou d’« intégrer » l’ensemble des plans et des initiatives devant permettre à la Région de redresser la tête. On ne parlera plus désormais que d’un seul plan de relance qui pèsera 7,64 milliards jusqu’à la fin de la législature, en 2024. Il n’est pas interdit d’arrondir ce montant à 10 milliards en y intégrant les moyens des fonds de cohésion européens.

Quatre sources

Mais de quoi parle-t-on ?

Un : il y a d’abord la part wallonne du plan de relance mitonné par l’Union européenne et baptisé « Facilité pour la reprise et la résilience ». Au sein de l’enveloppe dévolue à la Belgique (5,9 milliards), la Wallonie peut compter sur 1,4 milliard. Une vingtaine de dossiers ont été soumis à la Commission. Les derniers arbitrages doivent encore tomber mais Elio Di Rupo se montre très confiant.

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Deux : un peu plus de 3 milliards relèvent (ou relevaient, devrait-on dire) du plan wallon de transition économique, sociale et environnementale qui se trouve au cœur de l’accord de gouvernement conclu par les trois partis de la majorité à l’été 2019. Sans le covid, ces investissements auraient de toute façon été consentis, notamment pour permettre à la Wallonie de réaliser ses objectifs climatiques.

Trois : en définitive, 3,15 milliards sont en lien direct avec la démarche « Get up Wallonia ! » qui a animé la vie politique régionale depuis le printemps 2020. Le rapport du conseil stratégique consécutif au travail des experts et à la consultation citoyenne recommandait de travailler dans cinq directions et définissait 51 actions à mener. « Ces universitaires ont fixé des objectifs. Nous avons travaillé cette semaine pour les rendre opérationnels et les financer », résume le ministre-président.

Quatre : de l’ordre de 2 milliards d’euros bénéficieront encore à la Wallonie à travers des programmes européens pour le Feder, le Fonds social ou Interreg. Il s’agit de cofinancements entre l’Union et ses partenaires wallons. Rien n’est toutefois acquis à ce stade : la programmation 2021-2027 est en cours d’élaboration.

Le panorama décrit ici suscite déjà les critiques virulentes de l’opposition à travers François Desquesnes, le chef de groupe CDH, qui parle de « malhonnêteté intellectuelle » : « On nous a fait lanterner pendant un an avec Get Up Wallonia qui allait englober tous les efforts régionaux en vue de la reprise. Mais on est loin du compte : le plan de relance que le gouvernement présente aujourd’hui intègre des sommes promises par l’Europe et des projets prévus de longue date dans le plan de transition. Il ne faut pas parler de dix milliards ou même de sept milliards investis, mais d’un peu plus de trois milliards noyés dans la masse. »

Le député dénonce aussi le manque de détails autour des projets concrets qui seront financés par cet effort. Le gouvernement a donné une clé de répartition qui se base sur les cinq axes définis par les auteurs du rapport stratégique résumant la démarche « Get Up Wallonia ».

« Aucune réponse sur la mise en œuvre »

Le chapitre « Miser sur la jeunesse et les talents de Wallonie » mobilisera 1,44 milliard. Les efforts pour assurer la soutenabilité environnementale bénéficieront de 2,67 milliards. Le développement économique sera alimenté par 1,264 milliard. Le soutien au bien-être, à la solidarité et à l’inclusion sociale recevra 2,1 milliards. Enfin, l’axe « gouvernance innovante et participative » sera financé à concurrence de 149 millions.

Les documents fournis par le gouvernement permettent d’être un peu plus précis. Prenons par exemple la soutenabilité environnementale : 1,2 milliard est prévu pour la rénovation énergétique des bâtiments, 420 millions pour la stratégie « bas carbone », 732 millions pour la mobilité ou 278 millions pour la biodiversité et l’environnement.

Sur ce dernier chapitre par exemple, il faudra patienter pour savoir combien seront investis dans la végétalisation des villes, la préservation de l’eau, la réhabilitation des décharges ou la diminution de l’impact des polluants sur la santé… Les débats vont évidemment se poursuivre au long des mois et des années qui nous séparent de 2024.

« Avec une priorité à nos yeux, d’ailleurs pointée par le rapport stratégique : il faut fixer des indicateurs, prévoir des évaluations et des adaptations éventuelles. Nous n’avons en réalité aucune réponse sur la mise en œuvre des projets », pointe François Desquesnes pour le CDH.

« Catalyseur de la relance »

Outre le soutien européen, le gouvernement wallon devra à nouveau se tourner vers l’emprunt pour financer l’effort de ces prochaines années. A ce stade, tant que la Commission le permet et que les taux d’intérêt restent bas, cela ne pose pas de problème aux autorités régionales qui veulent montrer l’exemple et mobiliser dans leur sillage : « Un gouvernement, cela ne suffit pas. A travers ce plan, nous voulons être le catalyseur de la relance. Nous aurons besoin du soutien de tous les acteurs pour que ces efforts produisent un effet levier au profit de tous », conclut Elio Di Rupo.

Deux milliards pour le covid en 2021

Le gouvernement wallon a ajusté le budget. L’impact des mesures liées à la crise sanitaire a plus que doublé.

Le gouvernement wallon ne s’est pas contenté d’élaborer un plan de relance. Il a aussi accouché d’un premier ajustement du budget 2021. L’exercice a surtout permis d’intégrer aux recettes et aux dépenses les conséquences de la crise sanitaire. « Sans nouvelles taxes », insiste Jean-Luc Crucke (MR), le ministre des Finances.

A l’automne dernier, le gouvernement avait estimé une hausse des dépenses de 678 millions et une baisse des recettes de 225 millions, en lien avec la crise et le soutien aux secteurs impactés par les mesures sanitaires. Excès d’optimisme : désormais, les dépenses « covid » sont estimées à 1,775 milliard pour le seul exercice 2021, même si les pertes de recettes sont ramenées à 181 millions.

Malgré ce dernier montant favorable, la note est donc salée : on passe d’un impact de 903 millions à un autre de 1,956 milliard. Et la Wallonie n’a pas encore franchi le cap de la moitié de l’année : les aides devraient être plus ciblées à l’avenir, mais un second ajustement est toujours envisageable à l’automne.

La clé de répartition de ce 1,775 milliard dépensé inopinément par la Wallonie se répartit comme suit pour l’essentiel : 650 millions pour les secteurs économiques en difficulté, 450 millions pour les soins de santé ainsi qu’une provision de 360 millions.

Fidèle à la règle du « trois budgets en un » (ordinaire, covid, relance), Jean-Luc Crucke précise que ces efforts sont indispensables et qu’ils ne remettent pas en cause la trajectoire de retour à l’équilibre, hors covid.