Mark Eyskens, ministre d’Etat, « Knack », 2 août 2021

Pour bien mener le débat sur une nécessaire nouvelle réforme de l’Etat, il importe préalablement de concevoir une solution pour l’arbitrage des conflits d’intérêts entre les différents niveaux de pouvoir en Belgique. Nous n’avons pas de hiérarchie des normes, nous n’appliquons pas le principe allemand du « Bundesrecht bricht Landesreht », nous n’avons pas un « Bundesra » qui harmonise les intérêts divergents entre les entités fédérées. Le traitement des conflits d’intérêts au sein du Comité de concertation du gouvernement fédéral belge avec les gouvernements des entités fédérées se termine souvent de manière dissonante et indécise.
C’est pourquoi je propose de remplacer le Sénat actuel par un Conseil fédéral avec un tiers de politiques élus, un tiers de représentants de la société civile et un tiers d’experts. La question de savoir comment cette composition doit être organisée et comment les décisions doivent être prises au sein du Conseil nécessite une concertation approfondie. Le Conseil interviendrait comme Cour d’arbitrage en rapport avec les conflits d’intérêts et divergences de vue. Selon moi, il devrait également avoir la compétence d’émettre des avis sur les propositions communautaires qui sont formulées au niveau politique fédéral ou régional. En outre, le Conseil fédéral devrait pouvoir formuler lui-même, de sa propre initiative, des propositions communautaires visant à améliorer l’efficacité de la structure étatique belge.
La redistribution des compétences entre le niveau fédéral et le niveau régional devient ainsi moins contestable dès qu’une procédure est échafaudée pour promouvoir, via le Conseil fédéral, le fédéralisme de coopération.
Il faut bien avoir conscience ici que plus l’on reconnaît des compétences aux régions et communautés, plus ces compétences devront être reforgées ensemble pour obtenir un point de vue belge.
En effet, 70% des décisions politiques dans les Etats membres de l’UE sont la conséquence de décisions, règles et directives prises par l’Union européenne et qui doivent être appliquées. Pensons à la politique climatique et monétaire, à l’agriculture, aux traités commerciaux, à la politique budgétaire ou à la part belge dans le plan de relance économique européen. Dans tous les conseils de ministres européens, siègent des ministres fédéraux belges qui, si nécessaire, se concertent avec leurs collègues des entités fédérées. Mais seule la Belgique est membre de l’Union européenne, qui se compose de 27 Etats membres depuis le Brexit.
La reconfiguration de la Belgique en quatre régions – Flandre, Wallonie, Bruxelles et Ostbelgien – où les trois communautés sont supprimées, me semble particulièrement risquée, surtout pour les Flamands qui vivent à Bruxelles et dont les intérêts personnalisables sont gérés par la Communauté flamande, surtout en matière d’enseignement et de culture. Si ces compétences sont transférées à un gouvernement bruxellois souverain, les intérêts flamands risquent d’être compromis.
Dans la situation constitutionnelle actuelle, les Flamands sont protégés par la garantie de pouvoir disposer de 17 sièges au Parlement bruxellois. avec quasi la parité pour les ministres, le président excepté.
Ce statut préférentiel a été rendu possible par les réformes successives de l’Etat, en raison du fait que les Wallons et les Bruxellois sont surreprésentés au gouvernement fédéral et au parlement fédéral. Ce règlement symétrique d’image-miroir risque d’être compromis si les Flamands étaient livrés à leur sort à la Région bruxelloise. En effet, en raison de l’application de la règle proportionnelle lors des élections, les Flamands ne disposeraient tout au plus que de 4 sièges au Parlement bruxellois.
S’ajoute à cela le fait que les francophones, dans une entité fédérée bruxelloise dominée politiquement par eux, s’efforceront de percevoir l’impôt des personnes sur base du lieu de travail et non plus du lieu d’habitation. Ce qui signifierait que les 250.000 Flamands qui vont travailler chaque jour à Bruxelles, y travailleraient aussi pour le trésor bruxellois.
Le siège du gouvernement flamand et du Parlement flamand devrait aussi déménager de Bruxelles, et donc de la capitale de l’Europe, en même temps siège d’instances internationales importantes et l’une des plus importantes capitales diplomatiques au monde.
Un tel retrait pourrait être difficilement considéré comme le point d’orgue de 150 ans de Mouvement flamand. La présence active de la Communauté flamande dans la capitale du pays, sur le plan culturel, économique, politique, scientifique, reste d’un intérêt essentiel.
.La consolidation d’un Etat fédéral travaillant de manière plus efficace me paraît donc être la seule alternative. L’évaluation critique d’une nouvelle répartition de certaines compétences entre le niveau fédéral, les régions et les communautés, en partie sur l’avis d’experts, est une approche plus réaliste, qui permettrait de rationaliser l’autonome des entités fédérées dans une structure étatique de fédéralisme de coopération.
Cela exige naturellement que les négociateurs qui participeront aux discussions communautaires n’aient pas d’agenda caché qui consisterait, via des réformes successives de l’Etat, à rendre la Belgique à ce point complexe et inefficace qu’elle serait condamnée à se désagréger.
Le fait que la Belgique se compose de deux démocraties – ainsi que certains politiques l’annoncent – n’est pas la cause d’une nouvelle et nécessaire réforme de l’Etat, mais c’est bien la conséquence des réformes de l’Etat incohérentes du passé.
Faire de la Belgique une confédération est en fait une tentative voilée pour faire éclater l’Etat. Une confédération est une association d’Etats, pas un Etat fédéral. Le Benelux est une sorte de confédération mais il n’a pas un gouvernement commun. Une confédération belge mène inévitablement à trois Etats indépendants.
La seule solution est de refédéraliser ce qui est commun. De rationaliser ce qui peut l’être. Comme la majorité des flamands ne sont pas pour, le divorce est inévitable. Le confédéralisme n’est qu’un piège grossier qui mène au séparatisme sans en assumer la responsabilité et les conséquences. Encore une fois, il apparaît clairement que Bruxelles est la pierre d’achoppement.
La famille Eyskens en luttant pour leur Flandre se trouve à l’origine de la présente situation. Si faire de la Belgique une confédération est en fait une tentative voilée pour faire éclater l’Etat. N’est-ce pas le but du Mouvement flamand ? Mouvement flamand qui a fait la fortune politique de la famille Eyskens ! Ne l’oublions pas .
Si le Benelux est déjà une sorte de confédération
ne serait-il pas judicieux de l’utiliser comme « OUTIL » reconnu internationalement pour avancer ? Si une confédération belge mène inévitablement à trois Etats indépendants, ce qui est souhaitable, dites-moi pourquoi Wallons et Flamands devraient-ils demeurer encore des siècles dans ce qui demeure une prison créée par le Bourguignons ?