Jules Gheude

L’objectif du Vlaamse Volksbeweging (Mouvement populaire flamand) est de rendre, à terme, la Flandre indépendante. Cet objectif figure explicitement dans le programme des deux plus grandes formations politiques du nord du pays, le Vlaams Belang et la N-VA, dont les sondages révèlent qu’elles seraient en capacité de décrocher ensemble la majorité absolue au sein du Parlement flamand au lendemain des élections régionales du 9 juin 2024.

Le mouvement B Plus, qui, comme son nom l’indique, plaide pour le maintien de la Belgique sous une forme fédérale « moderne et efficace », ne manque jamais une occasion de rappeler que seule une minorité de Flamands (cela oscillerait entre 10 et 15%) seraient réellement acquis à l’option séparatiste. En d’autres termes, nombre d’électeurs de la N-VA et du Vlaams Belang ne souhaiteraient pas la disparition du Royaume.

Soit. Mais les élus, eux, ne s’embarrasseront pas d’une telle argutie. Ils auront reçu la légitimité de tout mettre en œuvre pour concrétiser au maximum le programme de leur parti, lequel prône ouvertement l’émergence d’une République flamande.

A moins de remettre en question le concept de la démocratie, c’est la majorité issue des urnes qui compte, quel que soit le pourcentage de celle-ci.

Comment, dès lors, pourrait-on reprocher ou s’opposer à une majorité absolue, composée d’élus du Vlaams Belang et de la N-VA, de se prononcer officiellement, et en toute légitimité, en faveur d’un Etat flamand souverain ?

Il est pour le moins incongru de permettre à une formation politique de se présenter aux élections pour lui dénier ensuite le droit d’agir en fonction de son programme. Et chacun, comme on le sait, est censé voter en toute connaissance de cause.

Reste l’épineuse question bruxelloise.

La Flandre, en effet, a fait de Bruxelles sa capitale et y a établi son gouvernement, son parlement et son administration. Mais pourrait-elle, pour autant, faire sécession en faisant tomber d’autorité Bruxelles dans son escarcelle ?

Géographiquement, Bruxelles est enclavée en territoire flamand. Mais elle est aussi devenue, depuis 1989 (en échange du sacrifice de José Happart comme bourgmestre de Fourons…), une Région à part entière, avec ses propres frontières et  dont la majorité des habitants se disent attachés à cette spécificité. Selon une enquête réalisée en 2013 par Rudi Janssens, chercheur à la VUB, 73,9% des Bruxellois optent pour une Région bruxelloise autonome en cas de disparition de la Belgique. Seuls 4% seraient prêts à rejoindre la Flandre.

La scission de la Belgique ne pourrait se faire, comme ce fut d’ailleurs le cas pour l’ex-Fédération yougoslave, que sur base des frontières administratives internes. Et seules les Régions wallonne, flamande et bruxelloise peuvent être géographiquement délimitées. Selon le principe du droit international « uti possidetis juris » (tu posséderas comme tu as possédé), la Flandre ne pourrait donc pas toucher aux frontières des deux autres Régions.

Si elle le faisait, elle ouvrirait un contentieux dont les enjeux dépasseraient de loin ceux du débat communautaire belge, avec le risque de ne pas être reconnue sur le plan international.