On trouvera ici la traduction de l’article de Pieter Bauwens, sur le site de « Doorbraak »

« Le courant idéologique du nationalisme flamand ne peut être stoppé plus longtemps. Les deux partis nationalistes flamands obtiendront peut-être en 2024 la majorité absolue au Parlement flamand. La survie de la Belgique sera alors incertaine. C’est pourquoi il est bon de réfléchir dès à présent aux conséquences possibles de ce tremblement de terre. »
C’est au départ de cette considération qu’Eric Faucompret, professeur émérite des Relations internationales à l’Université d’Anvers, a écrit un Vives Briefing, « La Flandre indépendante ? Quelques réflexions de droit international ». Un résumé intéressant de l’état des choses. L’auteur explore les principes d’une telle séparation et nous révèle ce que dit la jurisprudence à cet égard.
Le confédéralisme comme voie ?
L’essai est également intéressant car Faucompret éclaire aussi la position de la N-VA et du Vlaams Belang. Que proposent-ils ? Est-ce réaliste ?
L’auteur est critique à l’égard du confédéralisme de la N-VA. Il le voit comme un agenda caché pour l’indépendance. « C’est une stratégie du « pas à pas » qui doit mener clairement à l’indépendance. » (p.9). C’est aujourd’hui le problème de perception de la proposition confédéraliste de la N-VA. C’est la raison pour laquelle les francophones et les unitaristes s’en méfient.
Faucompret ne croit pas à cette stratégie. Selon lui, elle va à l’encontre de toute logique Des Etats indépendants forment d’abord une confédération et puis une fédération, pas l’inverse.
Séparatisme ou indépendance ?
Quand le professeur émérite en vient au Vla ams Belang, il fait d’abord un grand détour. Ceci afin de montrer que ce parti ne s’embarrasse guère du droit international. Page 9, il écrit : « Le Vlaams Belang ne veut pas emprunter le chemin de l’approche progressive. Le Vlaams Belang vise l’indépendance, mais on cherchera en vain les implications d’une telle sécession unilatérale en termes de droit international. »
Il est dommage que le professeur trahisse ici la réalité. Avec « De Ordelijke Opdeling van België » (La division ordonnée de la Belgique, Editions Egmont, 2010), Gerolf Annemans (VB) a consacré 300 pages à ce qu’Eric Faucompret écrit ici en 13 pages. Et Annemans a actualisé cela en 2016 avec « Quid nunc ? ». Le Vlaams Belang ne plaide pas en faveur d’une sécession unilatérale. La vérité a aussi ses droits, peu importe ce que ce vous pensez du Vlaams Belang par ailleurs.
Vous négocierez !
La voie que Faucompret – et donc aussi Gerolf Annemans – propose est celle de la séparation négociée. Ce que l’on appelle « dismembratio ». Cela veut dire que l’Etat belge est dissous par consentement mutuel.
C’est aussi ce que préconisent Hendrik Vuye et Veerle Wouters dans leur « Grendelboek » (Doorbraak, 2017, p. 178) : « Contrairement à ce que l’on pense souvent, la proclamation de l’indépendance n’est pas une piste qui fait que l’on ne pourra plus négocier. Bien au contraire. L’avantage d’une déclaration d’indépendance est de faire démarrer les négociations. »
Et Bruxelles ? Et la périphérie ?
Ces négociations ne seront pas faciles. Eric Faucompret voit trois gros nœuds : la délimitation des frontières (en ce compris le problème de Bruxelles), les droits des minorités et le partage de la dette publique.
Les frontières semblent constituer le problème essential. La Belgique sera-t-elle divisée sur base des régions ou des communautés ? En deux, trois ou quatre ? Les communes à facilités autour de Bruxelles appartiennent-elles à la Flandre ou font-elles un peu partie de Bruxelles par les exceptions ? Un arbitrage international s’imposera si les états successeurs veulent être reconnus sur le plan international, écrit Faucompret. Et les deux pays devront se mettrez d’accord.
Dette publique et minorités
Le partage de la dette publique devra, lui aussi, être négocié. Faucompret donne les possibilités et quelques exemples récents de scission d’Etats. « Le mieux est de chercher une combinaison acceptable de diverses variables, comme le chiffre de population, la superficie, l’origine et la capacité financière. »
Point important pour Faucompret : la Flandre devra approuver le Traité sur les minorités si elle veut faire partie de la communauté internationale.
Ce traité du Conseil de l’Europe est rejeté par les partis politiques flamands. Ils veulent ainsi éviter que les francophones de la périphérie ne se réfèrent à ce traité pour obtenir d’autres privilèges.
Mais que vaut cette réserve si la Belgique est scindée et que les frontières sont fixées ? Certes, ce traité est obligatoire pour faire partie du Conseil de l’Europe, mais seuls 18 pays sur 47 l’ont ratifié.
2024
Dans un récent podcast, le professeur Bart Maddens (KUL) a mis en garde contre la mythologisation de la – énième – mère de toutes les élections en 2024, où les deux partis doivent obtenir ensemble une majorité pour imposer vraiment un changement.
2024 est encore loin. Et si ces deux partis veulent vraiment faire quelque chose de leur victoire commune, c’est dès maintenant qu’ils doivent le préparer.
Constitution flamande
Selon Faucompret, le premier pas vers l’indépendance doit être une Constitution flamande. En mai 2012, le gouvernement Peeters II (CD&V, N-VA et SP.A) a élaboré un « Handvest voor Vlaanderen » (Manifeste pour la Flandre). Une sorte de Constitution flamande, qui ne porte pas son nom. Mais il manque un détail. Le document n’a pas été approuvé par le Parlement flamand. Le gouvernement ne voulait pas le faire majorité contre opposition, mais l’opposition n’avait pas été associée à l’élaboration du texte… Le Vlaams Belang a déposé un propre texte en 2015.
Faucompret appelle les autres partis flamands à réfléchir à une Constitution flamande, malgré leur grande résistance à l’indépendance flamande. « Ils devraient vraiment réfléchir à leur propre avenir. Comme les Etats, les partis ne sont pas non plus éternels, a fortiori quand, en cas de scission, les grandes familles politiques s’écroulent. Un regroupement des forces politiques s’impose donc » (p. 12).
Souverain
Avec une Constitution flamande, la Flandre peut se déclarer souveraine et les négociations démarrent. Le chemin vers l’indépendance est donc encore long. Mais nous avons certainement jusqu’en 2024 le temps de préparer les choses.
Les partis politiques ne doivent pas refiler ce travail au Mouvement flamand en détresse. Tant le Vlaams Belang que la N-VA disposent d’assez de gens et de moyens pour le faire. Des dossiers et des propositions de loi peuvent être rédigés. On peut calculer les effets du partage de la dette publique. On peut clarifier la question des frontières autour de Bruxelles. Bref, se positionner en vue des négociations.
Envoi
Chère N-VA, cher Vlaams Belang. Le chemin est connu, les points d’achoppement aussi. Personne ne vous empêche de faire le travail nécessaire. Le temps est venu pour un « Objectief V ». Le logo existe déjà. Il ne reste qu’à mettre le contenu au point.
En 1994, Peter De Roover et Jan Jambon ont écrit le petit livre « Vlaanderen staat in Europa » (Davidsfonds), mettant ainsi le débat sur l’indépendance flamande à l’agenda. Auront-ils la chance de concrétiser cela 30 ans plus tard ?