
29 septembre 2021 – « La Libre »
Par Jules Gheude, essayiste politique
Que donnera le chantier que la coalition Vivaldi est censée ouvrir en vue de mettre en place une 7e réforme de l’Etat pour 2024 ? Et, tiraillée en tous sens comme elle l’est, cette coalition sera-t-elle seulement en mesure d’atteindre cette échéance ?
Il ne faut, en tout cas, pas être grand clerc pour comprendre que le démantèlement de la Belgique est un processus inéluctable et que tout combat d’arrière-garde belgicain sera vain.
Au fil des décennies, la Flandre s’est érigée en véritable Nation. Le terme figure d’ailleurs expressément dans le préambule de la « Handvest voor Vlaanderen », la Charte pour la Flandre, adoptée en 2012. Et certains sondages indiquent que les deux formations indépendantistes flamandes, la N-VA et le Vlaams Belang, sont crédités ensemble de 47,9% d’intentions de vote, ce qui leur conférerait une majorité absolue au Parlement flamand.
Une chose est sûre : la Flandre ne renoncera jamais au concept de « Communauté », qui lui permet, via les compétences « personnalisables », d’encadrer sa minorité bruxelloise du berceau à la tombe. Une réforme de l’Etat, basée sur quatre Régions, n’a dès lors aucune chance d’aboutir.
S’il s’avère impossible de mettre sur pied cette 7e réforme de l’Etat, la Flandre pourrait fort bien proclamer unilatéralement son indépendance. Rien à voir ici avec la question catalane. Car, chez nous, ce serait l’Etat qui volerait en éclats avec, à Bruxelles, un pouvoir central incapable de s’y opposer. Quant à l’Union européenne, elle ne pourrait qu’acter le fait.
Les responsables wallons ne veulent pas envisager un tel scénario, car ils craignent avant tout pour leur devenir politique. Ils ne réagiront qu’une fois mis devant le fait accompli. Il ne leur faudra alors pas longtemps pour comprendre qu’une Wallonie indépendante ou une Belgique résiduelle, composée de la Wallonie et de Bruxelles, ne constituent pas des scénarios réalistes et, surtout, financièrement viables. Alors, et alors seulement, ils réaliseront la nécessité de se tourner vers la France.
Lors des Etats généraux de Wallonie, que nous avons tenus en mars 2009 à l’Université de Liège, Jacques Lenain, ex-haut fonctionnaire français, est venu commenter l’étude qu’il a faite à ce sujet et dans laquelle il propose d’accorder à la Wallonie un statut particulier, qualifié d' »intégration-autonomie ». « La Constitution française est suffisamment souple pour reconnaître à certaines collectivités des statuts spéciaux », précise-t-il. Ce que confirme, par ailleurs, le constitutionnaliste français Didier Maus : « Il serait parfaitement possible de créer un titre spécial ‘ »De Wallonie » qui contiendrait une mini-Constitution sur mesure pour cette Région. »
Concrètement, cela signifie que la législation et les institutions wallonnes, qu’elles soient régionales, provinciales et municipales, pourront être intégralement conservées. Les compétences actuelles de la Région wallonne seront également maintenues, avec de rares exceptions comme, par exemple, l’octroi des licences de vente d’armes. Elles seront même enrichies de la plupart des compétences exercées aujourd’hui par la Communauté française, notamment l’enseignement.
Pour ce qui est de l’enseignement, précisément, il restera le cadre juridique inchangé au jour J de l’intégration. Mais rien n’empêche que des convergences puissent advenir ultérieurement. Si, par exemple, une demande wallonne s’exprimait pour un régime de baccalauréat, elle pourrait se concrétiser via un double changement législatif, en droit wallon obligatoirement et en droit commun français si nécessaire. En fait, ce raisonnement logico-juridique vaudra pour l’ensemble des matières de compétence wallonne.
Le statut des élus wallons ainsi que les règles électorales resteront intacts. Rien n’exclut cependant des négociations ultérieures avec Paris, dans une logique de donnant-donnant.
Point capital pour la Wallonie : son financement est garanti, puisque l’Etat français reprend à son compte les transferts actuels en provenance de Flandre (quelque 7 milliards d’euros).
Pour ce qui est de l’ex-droit fédéral belge, il relèvera de la compétence de l’Etat français. Une partie sera abandonnée le jour J (ex : diplomatie, armées, droit de la nationalité et de l’immigration,…), une autre le sera plus tard (ex : institutions et procédures judiciaires). Tout le reste est conservé pour une durée indéterminée (notamment le droit et les institutions de la sécurité sociale), sauf négociations, dans une logique de donnant-donnant ou de simple convergence souhaitée de part et d’autre.
Prenons le cas précis de la Justice. L’essentiel pourra être conservé, sauf contradictions pénales. Certains problèmes seront soumis, au fil de l’eau, au Conseil constitutionnel par la voie de la question préjudicielle de constitutionnalité, s’ils n’ont pas été traités en amont, lors de l’adoption du cadre d’intégration de la Wallonie. Ce cadre devra préciser, si besoin, en quoi il déroge au cadre constitutionnel de droit commun, aux principes généraux du droit français, etc.
La situation des ex-corps fédéraux sera envisagée secteur par secteur, mais l’intégration dans les corps homologues français devrait se faire sans licenciements, avec indemnité compensatoire si nécessaire, comme c’est la règle, et obligation éventuelle de mobilité géographique ou fonctionnelle.
Les élus « nationaux belges » deviendront des élus « nationaux français » et relèveront donc complètement du droit français, en ce compris les règles électorales.
Mais pas de quoi s’inquiéter à cet égard. La France compte 925 élus nationaux (sénateurs et députés) pour 67 millions d’habitants. Les 11 collectivités d’outre-mer sont très surreprésentées. Pour les 3,6 millions de Wallons, cela donnerait 5%, soit 40/45 élus nationaux. Certes, il y a ce projet visant à réduire de 20% l’effectif des élus nationaux. Mais cela resterait néanmoins très correct !
Une fois que les autorités françaises et wallonnes se seront entendues sur un projet, celui-ci sera soumis, par référendum, aux populations concernées. Rien ne sera donc imposé !
Une dernière chose, non négligeable : le scénario d’une intégration de la Wallonie à France maintiendrait, de facto la Wallonie au sein de l’Union européenne et il reviendrait à la France de négocier avec la Flandre les modalités du partage (répartition de la dette publique belge, désenclavement territorial de Bruxelles, …).
On le voit, la disparition de la Belgique ne signifierait aucunement l’apocalypse. Mais, en politique, il vaut toujours mieux anticiper les choses, en toute lucidité !
=> (1) Dernier livre paru : » La Wallonie, demain – La solution de survie à l’incurable mal belge », Editions Mols, 2019.
Contrairement au Vlaams Belang, plus radical, la NVA se refuse à tout divorce brutal. Monsieur De Wever ne veut pas lézer les intérêts de la VOKA. C’est très honorable mais les intérêts de la VOKA ne correspondent pas nécessairement avec ceux de la nation Flandre. Il faudra bien, un moment donné, que Monsieur Dewever se décide à franchir le Rubicon ou à se renier. Il renacle maintenant face à la Belgique confédéree à quatre entités autonomes. Il craint de perdre la région bruxelloise. Comment Bruxelles pourrait-elle échapper à la nation Flandre ? En cas de disparition de la Belgique, la nation Flandre peut revendiquer la possession de la région bruxelloise en fait comme en droit car cette actuelle entité administrative, créée pour des besoins de basse politique belge, appartient au Brabant (flamand) géographiquement, historiquement, économiquement et humainement. La minorité néerlandophone demeure la preuve vivante de la continuité, à travers les siècles, de la présence brabançonne thioise . De facto il existe une « Communauté brabançonne néerlandophone » légitime sur le territoire de la région bruxelloise. Le fait minoritaire ne permet pas d’arracher la région bruxelloise à la nation Flandre ou plutôt aux Pays-Bas méridionaux en résurection. L’actuelle présence francophone représente une collectivité disparate de fransquillons bruxellois, de descendants d’immigrés wallons, d’exogènes de l’Union Européenne et des migrants économiques du continent africain. De retour dans le Brabant originel, les non néerlandophones deviendront une minorité étrangère européenne pour partie et non européenne pour partie. La Belgique ayant disparu, la nation Flandre s’alignera sans peur sur les lois internationales régissant les minorités.il reviendrait à la France de négocier avec la Flandre les modalités du partage (répartition de la dette publique belge, désenclavement territorial de Bruxelles, …). Pour le reste, si les Wallons ne règlent pas les modalités matérielles du divorce préalablement avec la Région Flandre, il reviendra à la France de les négocier avec la Flandre souveraine. Quant à « désenclaver », de grâce ne retomber par dans le scénario du corridor de Dantzig.